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Nathalie Négro, touches créatives

Le 23 juin, Trio and co sera en concert à la Cité de la Musique de Marseille. Parallèlement, le projet à dimension internationale, Musical Bounce Back, vient de se voir attribuer le label Onu Femmes France/Génération Égalité. Point commun entre ces deux évènements : Piano and co et sa fondatrice, Nathalie Negro. Entretien

Zébuline. Pourriez-vous évoquer votre parcours ? 

Nathalie Négro. Ne m’a jamais quittée la boulimie de faire, de produire, de m’enrichir de contacts, de rencontres, de concerts, de créations de spectacles. Pianiste classique et contemporaine, j’ai voulu développer mes propres projets artistiques et mes expérimentations. Il a fallu que je crée mon propre espace, un peu comme dans Une chambre à soi de Virginia Woolf, [rires] afin d’initier des rencontres, faire du spectacle vivant, expérimenter, croiser les genres musicaux et ceux du spectacle vivant. 

Est-ce parce que vous êtes une femme ?

Sans aucun doute. Nous sommes obligées de créer notre propre espace, parce que femmes, car aucun espace n’a été pensé pour nous. Nous sommes obligées d’inventer notre place, de la fabriquer de bout en bout. Toute la compagnie de Piano and co est traversée par un engagement féministe. C’est pour cela que pour 80 000 000 vues je me suis inspirée d’une héroïne féminine. Il faut qu’il y ait des modèles auxquels s’identifier, des modèles positifs et forts, pas des victimes ou des objets… 

Est-ce pour cela que la transmission occupe une grande place dans votre travail ?

La création et la transmission sont indissociables. La pédagogie a toujours fait partie de mon travail et en même temps j’ai participé à beaucoup de créations, j’ai créé des festivals dans de petites communes alpines (2007-2012) autour de compositeurs et compositrices d’aujourd’hui. Je suis très attachée au travail qui s’articule sur un territoire, de l’occuper, quel qu’il soit. En 2007, j’ai fondé un festival dédié à la création au féminin. C’était dans la foulée de la bombe qu’a été la sortie du rapport de Reine Prat en avril 2006, premier écrit officiel sur des questions de genre publié par le ministère de la Culture. J’ai alors travaillé sur la visibilité des femmes, recensé par des chiffres sexués les pratiques internes des conservatoires (direction, enseignement, œuvres abordées…). Ce n’était pas encore un sujet à l’époque, et faute de moyens, j’ai arrêté, mon équipe de Piano and co était trop petite. Aujourd’hui, elle s’est étoffée avec des personnes magnifiques. 

2013 a aussi été une année très importante. Dans le cadre de MP13, Piano and co a pris son envol grâce à un opéra-slam, 80 000 000 de vues, qui évoquait l’histoire d’Asmaa Mahfouz, cette jeune égyptienne qui a appelé les Égyptiens par le biais d’une vidéo postée sur le net le 18 janvier 2011 à se rassembler place Tahrir. Ce spectacle a permis des appels à résidence, j’ai travaillé durant quatre mois sur le territoire de Dunkerque. Le projet reposait sur une mise au service du territoire des artistes (centres sociaux, camps de migrants, écoles, prisons, hôpitaux…). Cette « utilisation » des artistes de cette manière a été déterminante pour mes propres choix. Pour résumer, en 2021 Piano and co a été la première compagnie conventionnée en Paca dirigée par une femme ! C’est pour cela que j’ai repris le sujet de 2007 à propos de la visibilité des femmes. 

Une relation particulière avec les publics ?

Oui, le public doit être impliqué, il s’agit de de vivre ensemble l’instant. Avec la pièce de Terry Riley, In C, interprétée par cinquante jeunes musiciens européens dans la salle des rotatives de La Marseillaise dans un dispositif en mouvement, il y eut un lien intime entre partition, écoute, lieu… Chaque fois je m’adapte au lieu en essayant de casser le rapport frontal entre la scène et le public. J’essaie d’exploser le plafond de verre des femmes et le quatrième mur de la scène [rires]. 

Il s’agissait aussi d’un projet européen (Europe in C). Pouvez-vous nous parler de Musical Bounce Back ?  

Ce nouveau projet est né durant la crise sanitaire, il est cofinancé par le programme Erasmus + de l’Union européenne. Résilient et fédérateur, il s’est appuyé sur un processus innovant (connexion à distance par le LoLa (Low Latency system) qui permet de jouer et répéter avec d’autres à distance) et réunit Arménie, Chypre, Grèce, Portugal et France sur un modèle horizontal. Il comprend un kit pédagogique et des commandes à des compositrices de ces pays. Dans chacun d’entre eux, un travail est mené pour découvrir ou redécouvrir le matrimoine musical ainsi qu’une sensibilisation à l’égalité hommes/femmes au sein des établissements d’enseignement musical. En 2024, le projet s’achèvera à Marseille par un final d’une semaine avec conférences, rencontres, concerts, tables rondes, sensibilisation avec des élèves, expositions photo, films, et, on l’espère avec la sortie du disque de Trio and Co, contenant en fil rouge les créations des compositrices rencontrées tout au long du projet. 

Une sororité musicale… 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI

Trio and co 
23 juin 
Cité de la Musique, Marseille
pianoandco.fr
citemusique-marseille.com
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