jeudi 2 mai 2024
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Negar : la mort à trois

Conte musical à la croisée des mondes et des cultures, Negar est une plongée cinématographique dans un Téhéran où l’amour se révèle mortel

Tout commence sur la scène de l’Opéra Comédie, où les spectateurs sont invités à devenir foule, assistant aux retrouvailles entre trois amis d’enfance : Shirin, Negar et Aziz, tous les deux sœur et frère. On est à Téhéran en 2013. La date importe peu. La rencontre, oui. Cela fait plus de trente ans qu’ils ne se sont pas revus, la famille de Shirin s’étant exilée en France au moment de la Révolution islamique. Autant dire que cela replonge nos trois protagonistes dans une nostalgie au goût doux-amer qui n’a rien d’une partie de plaisir. Quoique… Dans un pays où la révolution est un mot qui a perdu sa révolte, la jeunesse iranienne tente de conserver en secret le goût de la danse, de la musique et de l’amour. Et pour une femme, tout ceci est bien risqué. Surtout si elle aime une autre femme. Alors que les souvenirs troublent les relations de la fratrie de ses amis d’enfance, une attirance mutuelle rapproche Shirin, enfermée dans les souvenirs de sa terre maternelle, et Negar, musicienne en cage dans un pays où la femme est condamnée au silence. 

Strates mélodiques

Les corps s’enflamment tandis que leur futur part en cendres. Aziz, pris en tenailles entre son amour pour Shirin et son désir de contrôle de sa sœur, les filme en secret. Ce qui va les conduire à leur perte. Depuis le début, Aziz filme tout, c’est une obsession. Pour documenter, témoigner, à défaut de changer les choses. Ce parti-pris audacieux fait de ce théâtre musical, oscillant entre fiction et documentaire, un spectacle en mouvement qui se regarde sur la scène comme sur de grands écrans où se mêlent des images filmées en live et des scènes enregistrées. Le tout dans un clair-obscur qui suggère les émotions et flatte les corps. Dans cet imaginaire cinématographique affiché, la musique de Keyvan Chemirani se fait bande originale aux multiples strates mélodiques, entre orient et occident, grâce à des voix sensibles aux riches tessitures et un bel équilibre entre instruments classiques et traditionnels. Il n’en fallait pas moins pour faire revivre la beauté d’un monde perdu. Celui de l’exil. Et des amours mortes. 

ALICE ROLLAND

Negar a été présenté à l’Opéra Comédie les 5,6, 9 et 10 avril, une programmation de l’Opéra Orchestre National Montpellier
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