Avec J’emporterai le feu (Gallimard), Leila Slimani publie le troisième tome attendu de sa trilogie sur le Maroc et la fin d’une magnifique fresque familiale. Enfants de la troisième génération de la famille Belhaj, Mia (une Leila romancée) et sa petite sœur Inès sont nées dans les années 1980. Comme leur grand-mère Mathilde, alsacienne tombée amoureuse d’Amine qu’elle a épousé, comme leur mère Aïcha, gynécologue engagée ou leur tante Selma, indépendante et excentrique, les deux jeunes filles veulent être libres de leurs choix.
Elles trouveront l’émancipation dans l’exil. « Mia, va-t’en et ne rentre pas. Ces histoires de racines, ce n’est rien d’autre qu’une manière de te clouer au sol, alors peu importent le passé, la maison, les objets, les souvenirs. Allume un grand incendie et emporte le feu » lui exhorte son père lui donnant les clefs de la liberté. Mia va partir en France pour étudier. Elle deviendra journaliste puis l’écrivaine qu’on connaît. Inès la suivra. Elle sera médecin : En France, il leur faudra se faire une place, apprendre de nouveaux codes, affronter les préjugés, le racisme. Le père, Medhi, banquier, amoureux des livres – une passion qu’il va transmettre à Mia –, resté au pays va être banni durant des années de l’économie puis arrêté par les autorités marocaines dans des conditions de détention éprouvantes qui marqueront la famille à jamais.
Roman d’investigation
Le faux souvenir de Sabrina Kassa a pour point de départ une image d’enfance, celui d’une petite fille de 4 ans qui rencontre pour la première fois son père à l’aéroport d’Alger entouré de gardes du corps. Des années plus tard, partageant cette évocation avec son frère ainé, elle apprend que si cette rencontre s’est bien déroulée, elle n’a jamais eu lieu dans un aéroport mais au bagne de Lambèse dans la région de Batna au nord-est de l’Algérie. Quant aux gardes du corps censés protéger ce père si puissant, il s’agissait des gardiens de prison. Pour Sabrina, c’est un choc. Comment avait pu-t-elle sublimer cette vision de geôle, d’enfermement en un symbole de liberté, de voyage, d’émancipation ? Pourquoi et comment ce père, commissaire du gouvernement algérien, s’était-il retrouvé en prison ? Pour mettre la lumière sur ce « coin aveugle » et retrouver sa mémoire, la journaliste, responsable éditoriale aux questions raciales de Médiapart, part en Algérie sur les traces de son histoire.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
J’emporterai le feu, de Leila Slimani
Gallimard - 22,90 €
Le faux souvenir, de Sabrina Kassa
Au diable Vauvert - 13,50 €
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