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OCCITANIE : Le temps des mues est arrivé

Avec Mues, la compagnie montpelliéraine Tire pas la nappe nous conte les aventures extraordinaires d’une Marie qui se perd dans les Cévennes, pour mieux se trouver

Le théâtre est une bulle, un moment suspendu et expérimental dans un lieu fictif. Quand Marie arrive en tenue de randonnée dominicale dans le décor fantaisiste de Mues, mélange de nature sauvage et de rustres demeures où habitent d’étranges personnages masqués, on se dit aussi qu’on assiste à une parenthèse de ce genre. Potentiellement à un choc des civilisations. Au fil de conversations surréalistes et souvent décousues, le spectateur découvre qu’une rumeur affirme que dans ce coin perdu des Cévennes vivent des femmes « handicapées », ou « inadaptées », disons des femmes qui flanchent. Marie dit elle-même (à la troisième personne) que bien qu’elle soit très fatiguée, elle ne veut surtout pas mourir, ni devenir folle. Non, elle doit encore trouver quelque chose. Mais la frontière est si mince entre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. D’autant plus que les autoproclamées « Gogoles » l’incitent à se perdre, dans l’espace comme dans la temporalité. 

Une fable déconnectée, féministe et décroissante

De toute évidence, Marion Aubert, autrice et comédienne de ce texte, et Marion Guerrero, la metteuse en scène, se sont amusées à créer cette fable déconnectée, féministe et décroissante qui frôle parfois avec le grotesque comme avec le mythologique. Alors oui, il faut parfois grossir les traits pour saisir l’essentiel, rire fort pour sourire un peu, se jeter à l’eau pour se sentir vivre. Les femmes qui arrivent ici sont vieilles ou moins vieilles, parfois fêtardes, ou méditatives, ou randonneuses… Peu importe. Ce sont des femmes. Quoique… Henriette la Gardoise ne semble pas bien les distinguer de ses vaches. Après tout, elles aussi ont leurs secrets et leurs blessures. Pour Marie, il arrive ce qu’il arrive aux autres : la mue. Ce moment où on enlève les couches qui nous pèsent pour révéler ce qui se cache en dessous, où au lieu de voguer en surface sur les eaux limpides des Cévennes, on choisit de sauter dans la cascade, se laisser attirer par les profondeurs, prendre le risque de se noyer. Alors seulement, le laisser-aller commence. Dans une transe étrange portée par sept comédiennes survoltées, Marie s’ensauvage, se laisse gagner par ses pulsions, vit l’extase de la nature. À travers les couleurs brutes des « Gogoles », elle se libère d’un traumatisme qui n’est pas jamais clairement nommé sans pour autant nier son existence. Contre toute attente, Marie se retrouve et sort de cette bulle salvatrice visiblement changée. Sûrement plus elle-même que jamais. 

ALICE ROLLAND

Mues par la Cie Tire pas la nappe a été présenté le 13 mars au Théâtre des 13 vents, Montpellier
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