Pascal Rambert nous parle de sa dernière création française, Mon Absente, dont la Criée accueillera trois représentations du 1er au 3 février.
Dans Mon Absente, Pascal Rambert rassemble onze personnages autour du cercueil d’une femme. A travers leurs mots, ils évoquent leur relation avec elle et peignent son portrait. Pourtant, cette pièce n’a pas pour sujet la mort ou le deuil…
Dans votre présentation de la pièce, vous dites ne jamais faire de « pièce à sujet ». Que cela signifie-t-il ? quel est alors l’objet de votre travail ?
Quand j’écris, je reçois quelque chose du réel et je lui donne une forme. Je ne fais pas une forme en me disant que ce sera une pièce sur le deuil. Il y a des auteurs qui veulent parler de la crise écologique, ou de la violence faite aux femmes, ou de la montée du FN, etc. Moi, je fais parler des gens. Mes personnages parlent quasiment comme dans la vie, ils passent d’une phrase à une autre, d’une idée à laquelle ils pensent à une autre complètement différente et contradictoire. Mon travail c’est la langue, pas les sujets.
Donc Mon Absente n’est pas à une pièce à propos de la disparition d’un être cher ?
Mon Absente n’aborde pas simplement le deuil, mais la façon dont on définit une personne. C’est complexe, une personne. C’est souvent très contradictoire, ça change avec le temps, et en fonction de ceux qui l’entourent. Dans Mon Absente, ils sont onze autour du cercueil, il y a ses fils, ses filles, ses petites filles, et chacun vient lui parler. Ils essaient de remonter le fil du passé, ils ont besoin de lui dire des choses qu’ils ne lui ont jamais dit, et qui sont parfois d’une rare violence. Il n’y a pas que des bons souvenirs pour eux, et je trouve ça bien que lorsque l’on s’adresse à un mort, on ne dise pas seulement « Qu’est-ce que je t’aimais », mais qu’on puisse aussi être très dur.
Et comment cela se traduit-il d’un point de vue plastique, en terme de mise en scène et de scénographie ?
Dans le fait d’être face à un cercueil, il y a un dialogue qui s’engage, même si il n’y a pas de réponse. C’est très fort visuellement d’être à l’intérieur de cet immense espace noir avec ce cercueil et ces fleurs, et la lumière qui est très basse, ce qui donne un aspect fantomatique. On a en quelque sorte l’impression que tous les acteurs sont des fantômes, et que la vraie personne est celle à l’intérieur du cercueil. Je voulais avoir cet aspect fantomatique de nos propres vies, nous les vivants. Ça me semblait être assez proche de l’état dans lequel on se retrouve parfois lorsqu’on est plongé dans des moments de grande tristesse, ou même de grande exaltation que peut procurer l’amour aussi.
ENTRETIEN REALISE PAR CHLOE MACAIRE
Mon Absente Du 1er au 3 février La Criée, théâtre national de Marseille / Théâtre du Gymnase – Hors-les-murs