Zébuline. Pourquoi refusez-vous de parler de festival quand vous présentez les Fadas ?
Florian Salazar-Martin. Parce que, plus qu’une programmation, c’est l’incarnation d’une politique, quelque chose qui se tisse et qui se maille, tout au long de l’année, et se fabrique ici, avec les gens, pour eux. Qui entre en résonance avec les politiques environnementales, sociales et d’éducation. Je suis adjoint à la culture mais aussi à la ville durable et à la biodiversité. Les fadas, c’est une conception durable de la culture.
Vous êtes aussi un adjoint durable !
Oui ! Mon premier mandat date de 1995, j’ai eu le temps de construire une politique ! Pour moi, une politique culturelle ne se conçoit vraiment que si elle bouscule tout le reste et permet de mieux vivre ensemble. Les Fadas, c’est l’idée que l’on peut créer un espace commun en proposant des projets un peu fous, décalés, gratuits, en allant dans tous les quartiers, en construisant des projets ensemble, en les ajustant avec le temps, en les actualisant. Aujourd’hui par exemple, le Comptoir des fadas qui aura lieu le 16 juillet avec Nora Hamadi parlera des élections, européennes et législatives, sur le principe d’une parole partagée et respectueuse. Ca n’était, évidemment, pas prévu avant les élections.
Mais pourquoi ces Fadas sont ils « du monde » ?
Parce qu’évidemment il s’agit d’ouvrir la ville aux cultures du monde. En accueillant des artistes en résidence, comme Nausicaa Favart Amouroux qui vient exposer ses photographies des salines de Cotonou, au Bénin, et les mettre en résonance avec des images des salines de Martigues. La mémoire de Martigues, celle de toutes les villes méditerranéennes d’ailleurs, repose sur des apports extérieurs, des gestes communs qui nous relient avec d’autres villes côtières, d’autres savoir-faire. Le Tout-Monde, dirait Glissant. On aurait pu l’appeler les Fadas du Tout-Monde ! On est conscients de cette créolisation que vivent toutes les villes méditerranéennes ouvrières, aujourd’hui en transition, mais fortes de leur culture populaire, celle qu’on transmet en parlant, en tchatchant, en mangeant ensemble, et en voyant ensemble des films, des concerts, en rencontrant des artistes, des scientifiques, des écrivains…
Il est difficile de se retrouver dans cette programmation…
Oui, parce qu’elle évolue tout le temps, mais les gens ont l’habitude, ils savent que tous les lundis pendant l’été il y a des concerts, on a déjà eu Jo Corbeau et Nevché qui a présenté son nouvel album, on a 25 séances de cinéma en plein air gratuites, avec des films sur la question sportive cette année, au musée Ziem on a refait l’accrochage avec une exposition Vivant, faune et flore, qui procède de décisions collectives du personnel et des usagers, et qui offre un regard nouveau, lié à la biodiversité, sur les peintres comme Ziem, Derain, Guigou, Soarès… On cherche à prendre, à reprendre contact avec les gens pour qu’ils contribuent à l’espace commun. C’est une espèce de bouillabaisse, ça n’est pas évident à communiquer, mais ça marche. Il faut venir voir.
Il y a un temps fort tout de même, dans cette politique continue, ce sont les 9 jours du Village des Fadas…
Oui, cette année on le fait à la base nautique, un site extraordinaire, qu’on transforme en lieu de vie continue, où on peut se restaurer, et où les concerts et spectacles, mais aussi les discussions, se succèdent. Yan Madé, auteur de BD, y sera présent toute la semaine. Il s’est installé dans le Tétrodon pour y créer une œuvre…
Le Tétrodon ?
Oui, c’est un habitat modulaire conçu pour être produit en masse pour installer des villages collectifs. Dans les années 1970, avant la crise pétrolière. Olivier Bedu a restauré ce Tétrodon retrouvé à Fos-sur-Mer, c’est aujourd’hui un exemplaire unique, classé, le Tétrodon de Martigues, témoin de toute une histoire, et revisité…
ENTRETIEN REALISE PAR AGNES FRESCHEL
Les Fadas du Monde
Du 13 au 21 juillet
Martigues