Il faut, avant que les travaux de rénovation ne soient effectués, passer par le couloir voisin. À l’intérieur, un pan de mur encore noirci, des rayons dégarnis. Une jeune femme venue commander de livres tend un sachet kraft à la libraire : « ce sont des prunes de mon jardin ». Autour de Mathilde Offroy et ses deux collègues, le soutien a été immédiat et chaleureux, à l’image du quartier de la Plaine où est implantée la librairie. « Il y a eu beaucoup de monde à l’apéro de soutien, les gens voulaient nous prêter des outils, nous apporter une aide financière. Mais les travaux vont être pris en charge par l’assurance, hors une franchise que nous allons pouvoir résorber sans conséquences. »
Mathilde n’a pas peur, explique-t-elle. Pourtant, lorsque les pompiers sont intervenus dans la nuit du dimanche 10 septembre, ils ont tout de suite constaté qu’il s’agissait d’un incendie volontaire. Une simple vitre cassée, « juste assez pour mettre le feu à des cartons vides faciles à enflammer », et pas de revendication. Qui peut brûler des livres et mettre des vies en danger ? « Incendier le rez-de-chaussée d’un immeuble d’habitation n’est pas un acte facile à revendiquer », soupire la libraire. « Nous avons porté plainte, cependant il n’y a pas eu d’enquête jusque-là. » Personne ne veut formuler d’accusation sans plus d’éléments (et les jours passant, il sera difficile d’en réunir), toutefois, relève-t-elle, « c’est une sale rentrée pour les librairies ». À Paris, deux établissements associatifs (La Brèche et Michèle Firk) ont été vandalisés pour leur positionnement militant, anti-raciste, féministe. « L’Hydre n’est pas une librairie militante, dans la mesure où nous sommes un commerce, même s’il s’agit d’une Scop, conclut Mathilde. Mais nous avons un positionnement politique à travers le choix de livres que nous proposons, et les rencontres que l’on organise, des vecteurs d’émancipation. »
GAËLLE CLOAREC
La réaction de Jean-Marc Coppola, adjoint au maire de Marseille, en charge de la Culture « Cet incendie n'est pas anodin, déjà parce qu'il s'agit d'une librairie, un lieu culturel, mais encore plus parce qu'elle porte des valeurs engagées. Je les ai appelées, pour témoigner de notre solidarité, et je compte y passer. Vous m'apprenez qu'aucune enquête n'est encore diligentée, cela peut être une piste pour les aider : nous pourrions inviter à ce que la justice et la police fassent leur boulot. Si la plainte est banalisée et traitée avec le mépris, si cela ne bouge pas, je pourrais écrire à la Procureure de la République, car l'incendie criminel est caractérisé. En tout cas le message que je souhaite faire passer est que la meilleure aide que l'on puisse leur apporter est de fréquenter encore plus ce lieu. Il faut protéger et encourager les librairies, leur situation économique n'est déjà pas simple, si en plus surviennent ce genre d'actes délictueux, cela n'encourage pas à poursuivre leur activité et à donner envie à d'autres d'en ouvrir. C'est pour cela qu'il ne faut pas relativiser ! » G.C.