Le terme, qui forme une rime, très riche, avec « actionnaire », est plus complexe que ce que « réac », son petit nom désuet, a pu laisser entendre. Car le mot « réaction » » appartient à la fois au lexique de l’Histoire, désignant les contre-révolutionnaires, et à celui de la Physique : grâce à la troisième loi de Newton, nous savons que l’exercice qu’une action déclenche toujours une réaction de même force :
« L’action est toujours égale et opposée à la réaction ; c’est-à-dire, que les actions de deux corps l’un sur l’autre sont toujours égales, et dans des directions contraires. »
Nos sociétés humaines, si peu humaines, seraient-elles gouvernées aussi par le principe de la réaction d’égale force et de direction opposée ? En d’autres termes, le masculinisme d’extrême-droite qui fait de Charlie Kirk un martyr est-il une réaction au féminisme qui s’attaque enfin à la culture du viol, et au décolonialisme qui veut en finir avec l’héritage raciste des arts et de la langue ? Ces mouvements sociétaux majeurs, qui questionnent profondément nos habitudes, sont eux-mêmes des réactions à des oppressions violentes ou sourdes. Dans l’espace, des actions/réactions de ce type se perpétuent à l’infini. Peut-on, sur terre, les arrêter ?
Les progressistes aussi sont réactionnaires
Le bonheur de battre le PSG est-il de même force, et de direction contraire, à la domination que l’équipe sauce Qatar impose à la Ligue 1 ?
« C’est un rêve de battre le PSG, c’est un club qui représente le pouvoir »
L’entraîneur de l’OM, après son carton rouge, a-t-il une réaction de force égale et de direction opposée à la domination parisienne ? La programmation d’actoral, transgressive et radicale, est aujourd’hui accueillie dans toutes les salles : est-ce une réaction des programmateurs et du public aux tentatives de censure qui se multiplient ? Les propositions gratuites, festives, ouvertes, se répandent de La Seyne-Sur-Mer à Cultures du Cœur : est-ce une réaction à la marchandisation des réseaux d’information, de la culture et de l’enseignement privés ?
Les leçons de l’histoire
Dans Ils appellent ça l’amour, Chloé Delaume n’espère plus que la honte changera de camp : les agresseurs sexuels, les harceleurs quotidiens, n’acceptent pas d’abandonner leur position dominante. Celle-ci est le fruit d’une culture, d’un apprentissage social, d’une éducation reproduite, et leur réaction quand on les place face à leurs actes n’est pas la honte, mais un déni d’une force égale, et contraire, à la parole des femmes qui se délie.
Ce mouvement de balancier est-il inéluctable ? Peut-on le stopper en tirant les leçons de l’histoire ? La résilience et le pardon ne gouvernent pas seules les relations entre les peuples. Ainsi, la sidération éprouvée face au génocide perpétré à Gaza n’est pas étrangère à la mémoire de la Shoah. Non que sa forme ou son ampleur soient similaires, mais parce que la persistance du traumatisme, du sentiment de mort imminente, s’est sans doute perpétuée et exerce aujourd’hui une réaction insensée et aveugle. Qui déclenche elle-même un antisémitisme réactif tout aussi dangereux.
Ainsi l’histoire se répète, et briser le cercle des réactions, libératrices ou tyranniques, ne peut se faire qu’en cherchant à toute « force » à détourner les réactions, et à construire la paix.
Quant au billard à trois bandes qui se joue sur l’échiquier politique français, l’analyse des forces est une équation au résultat incertain. Mais il est clair que la violence exercée contre la volonté du peuple ne peut que déclencher une réaction.
Agnès Freschel
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