La reprise de Coup de Grâce de Michel Kéléménis confirme la force presque intemporelle de la pièce. Liée aux attentats de Paris, retraçant littéralement l’attaque d’une jeunesse en fête et la chute des victimes sous les tirs de mitraillettes, elle dépasse aujourd’hui le Bataclan, et affirme l’invicible force des corps libres. Qui dansent, se lient, s’embrassent, solitaires ou formant des couples temporaires, hétéro ou homosexuels, sensuels toujours, vivants sous les balles.
La constante élégance de la danse, jusque dans ses tableaux arrêtés expressionnistes, prend place dans un écrin noir aussi nuancé qu’un tableau de Soulages : un rideau de perles laisse passer des rais de lumière, des projecteurs traquent les corps dans l’obscurité, les costumes noirs des sept danseurs font apparaître des corps beaux de leurs différences. La musique d’Angelos Liaros-Copola a elle aussi toute l’épaisseur sonore, toute la noirceur pâteuse, d’un noir qui n’est jamais uniforme. La grâce terrestre, réelle, résistante, aura toujours raison des fous de dieu.
Agnès Freschel
Coup de grâce a été recréé du 21 au 23 juin au Klap, Maison pour la danse de Marseille