La philosophe Gloria Origgi le répétait pendant les Nouvelles Rencontres d’Averroès : nous avons une bouche, mais deux oreilles, pour converser vraiment il faut écouter, écouter deux fois plus qu’on ne parle. Et être réellement prêt à mettre en doute ses opinions, à laisser place à l’autre en soi, à être convaincu autant qu’à convaincre, sans imposer à l’autre des préalables conversationnels tels que les mots « génocide » et « terroriste », qui figent les conversations et détournent de l’énoncé des faits pour se concentrer sur leur qualification.
L’Histoire raconte que la démocratie est née parce que les citoyens d’Athènes (évidemment sans les citoyennes, les esclaves, ni les étranger·es nommé·es barbares, ) ont su établir des raisonnements dialectiques qui tirent leur conclusion d’un examen de thèses opposées. C’est la prise en compte de l’antithèse à sa propre thèse qui permet d’avancer vers une synthèse, et de se détourner des autres solutions aux conflits. C’est à dire en tyrannie l’usage de la force, ou face à plus fort que soi la fuite ou la capitulation.
De ce constat découle une conclusion : seul le plus fort a le choix de se taire, ou de parler sans peur. La raison du plus fort est toujours la meilleure, disait le bon vieux La Fontaine au fils du roi, qui seul avait le choix entre le dialogue et la force. Le mouton dit vrai, mais au bout des ses arguments pourtant imparables
Le loup l’emporte et puis le mange
Sans autre forme de procès
De la nécessité du procès
Au Théâtre Joliette, les artistes nous rappellent ce que la société française a récemment accepté : la mort de Rémi Fraisse a débouché sur un Non-lieu, une absence de procès, de vérité établie par la confrontation aux faits, l’écoute des témoignages, les auditions des policiers auteurs de violence contre les Gilets jaunes. Notre démocratie ne discute plus avec le peuple. N’établit plus les faits.
La France doit se préparer à perdre ses enfants, dit le chef des armées qui n’est pas contredit par le chef de l’État. Est-ce à dire que la parole a échoué et que nous allons vers une troisième guerre mondiale ? Que notre Président élu nous y prépare ? Pour défendre quelle nation, quelle Europe, quelle démocratie ?
Aujourd’hui le gouvernement Lecornu II se confronte à un vote unanime des députés contre le volet recettes du budget 2026. Alors que les riches se sont massivement enrichis ce sont encore les pauvres qui doivent renoncer aux services publics que leur travail a financé. Le gouvernement II, loin d’avoir deux oreilles, est sourd. Il ne parle plus et s’apprête à faire usage de la force. En sacrifiant nos enfants sur les champs de bataille, en sacrifiant leur avenir par le gel de tout investissement, en sacrifiant le présent de ceux qui n’ont pas de toit, pas de lit d’hôpital, pas d’enseignants en classe.
Le vent tournera
Factuellement, il l’a promis, il n’usera pas de la violence du 49.3, et préférera une loi budgétaire d’exception. Qui permettrait à l’État de percevoir les recettes, les impôts, en bloquant les dépenses. C’est à dire en mettant à l’arrêt les services publics, les collectivités, les associations, les universités, la presse, le bâtiment, les projets structurels, le combat climatique.
Une arme de guerre, avec laquelle il espère que le Parlement votera un projet de budget dont personne ne veut, parce que l’absence de budget serait pire encore. La raison du plus fort, encore.
Gloria Origgi, qui a l’expérience de Giorgia Méloni, sait aussi que « La vérité est une questionpolitique » : si les opinions se discutent il y a des faits indiscutables. Le fait est que les Français veulent très majoritairement une meilleure répartition des richesses, un renforcement des services publics et un avenir pour leurs enfants, qu’ils refusent de sacrifier.
En démocratie, c’est le peuple décide. Quand cette volonté se transformera en force politique, le vent balaiera les va-t-en guerre.
Agnès Freschel
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