Sous le double commissariat de Raphaël Bories, conservateur du patrimoine, et de Caroline Perdrix, directrice de l’association Itinérance, s’ouvre au Centre de conservation et de ressources du Mucem (CCR, 1 rue Clovis Hugues, à la Belle de Mai) une exposition consacrée aux artisanats du textile, ce patrimoine immatériel abîmé par la mondialisation. L’idée étant de construire des passerelles entre ces savoir-faire immémoriaux et la création contemporaine, en proposant aux étudiants de l’école Casa Moda de Casablanca de s’inspirer de rituels matrimoniaux marocains, tandis qu’en France, les élèves designers de l’École nationale supérieure des arts décoratifs devaient réagir à la belle collection d’ex-votos du Mucem.
Les travaux qui en sont issus sont réunis dans la salle de 100m2 du centre, dédiée aux expositions. « Ces workshops sont amenés à se poursuivre, révèle Caroline Perdrix, car la jeune génération de la filière textile doit faire face à de gros enjeux environnementaux. » L’industrie contemporaine de la mode, très polluante et émettrice de carbone, gagne à se confronter aux gestes économes affinés par des siècles de créativité, au plus près des ressources disponibles.
Une filière henné
Pour bien comprendre cette dimension essentielle de Savoir-faire, les visiteurs ont tout intérêt à prendre le temps de voir la vidéo et d’entendre les podcasts qui leur sont proposés. Le travail de terrain mené par Itinérance s’y révèle, précieux. Filage, tissage, dessin, teinture : autant d’étapes de réalisation d’une œuvre collective, traditionnellement menée par les femmes au Maghreb.
Les observer reprendre inlassablement leur ouvrage, d’une main précise, manipuler la quenouille et le fuseau, mêler les ingrédients du henné (citron, oxyde de fer, garance, clou de girofle…), qui leur sert à colorer les fibres, est impressionnant. Depuis quelques années, le manque d’eau dû au réchauffement climatique les conduit à chercher du bois et du fourrage de plus en plus loin de leurs villages, et donc à délaisser leurs activités artisanales, ce qui en menace la transmission. Pour éviter cela, tout en gagnant une autonomie financière, elles s’assemblent en coopératives et cherchent des débouchés : autant dire que les passerelles avec la création contemporaine sont bénéfiques à bien des égards.
GAËLLE CLOAREC
Savoir-faire textiles en Méditerranée Jusqu'au 7 avril Centre de conservation et de ressources du Mucem Marseille 04 84 35 14 23 mucem.org