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« La douleur » : une prestation pure et dure

Dominique Blanc restitue avec brio la rudesse du texte de Marguerite Duras

En 1985 paraissait La douleur de Marguerite Duras. Des six nouvelles inspirées de sa vie en temps de guerre et du journal tenu durant ces années-là, la plus longue a donné son titre au recueil. La douleur retrace l’attente fiévreuse d’une femme dont le mari a été déporté. L’attente de nouvelles qui ne viennent jamais, les accès de désespoir, les sursauts d’espoir, les démarches inutiles…et puis un jour le téléphone et cet « inconnu qui revient », qu’il faudra arracher à la mort. Texte âpre, violent. Texte de résistance contre le nazisme, contre l’oubli. Texte plein d’une force vitale indéfectible aussi.

De ce récit tout à la fois ardent et dépouillé, Dominique Blanc s’est emparée en 2008, sous la direction de Patrice Chéreau et de Thierry Thieû Niang. Cette femme qui attend et qui souffre, « c’est moi », déclare la sociétaire de la Comédie-Française. Quatorze ans plus tard, elle reprend ce qu’elle appelle « le texte de [s]a vie » dans la même mise en scène. Et c’est juste bouleversant. De vérité, d’incarnation, de chaos maîtrisé.

Fébrilité de l’attente

Quand on pénètre dans le théâtre, la comédienne est déjà là, assise de dos dans la pénombre, longs cheveux dénoués. Et dès qu’elle se retourne, qu’elle empoigne la prose si particulière de Duras – faite de ruptures, de répétitions, une langue de pièges et de précipices –, ça y est, on plonge avec elle. Quelques gestes : des cahiers et des crayons qu’elle aligne, un manteau qu’elle boutonne, qu’elle enlève, qu’elle remet, une pomme qu’elle pèle ; et c’est toute la fébrilité de l’attente qui s’expose.

Pas grand-chose sur le plateau : une rangée de chaises à jardin, une table de cuisine à cour. Pourtant, les lieux, on les voit, les autres personnages, ils sont là, les situations, on les partage. Miracle d’un jeu si impeccablement maîtrisé qu’on le dirait presque improvisé. Miracle d’une voix qui module toutes les nuances de la douleur, de la folie de l’attente, de la violence des temps, de la révolte contre l’oubli et fait magnifiquement résonner les mots de Duras. Jusqu’à un final exceptionnel où l’on revit intensément sa lutte pied à pied (et les mains dans la « merde inhumaine ») contre la fièvre, contre la mort. Bravo l’artiste !

FRED ROBERT

La douleur a été donnée du 13 au 18 décembre au Théâtre des Bernardines, Marseille.

A venir
2 et 3 juin
La Cuisine, Théâtre national de Nice
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