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AccueilÀ la UneSister Midnight : Clown, punk et samouraï

Sister Midnight : Clown, punk et samouraï

Sister Midnight suit le parcours d’une femme qui fuit la vie à laquelle on veut l’astreindre. Avec une rage punk que Radhika Apte maîtrise à merveille

Le synopsis annonce l’histoire de la rébellion d’une jeune indienne entravée dans un mariage arrangé. Si Sister Midnight traite bien de ce sujet social et condamne sans appel la culture patriarcale indienne, ce premier film de Karan Khandari refuse le réalisme et s’aventure dans un entrechoc des genres pour le moins détonant.  

Uma (Radhika Apte) et son mari Gopal (Ashok Patak) après leur union dans un village reculé arrivent par le train à Mumbai en costume traditionnel. Plan fixe au beau cadrage qu’on croirait signé Wes Anderson. Ils s’installent dans une rue pauvre de la ville bordée de cabanes précaires devant lesquelles s’entassent les ustensiles domestiques et les textiles aux couleurs vives.

Uma ne sait ni cuisiner ni s’occuper d’une maison – fût-elle un gourbi. Elle reste couchée ou assise sans rien faire. Revendique sa différence, incapable de se couler dans le rôle qu’on attend d’elle. Jure comme un charretier et ne cherche pas à être aimable avec le voisinage. Elle houspille son mari, faible, veule et désemparé. Cherche conseil auprès de sa voisine mais abandonne vite et trouve un boulot nocturne de femme de ménage dans des bureaux, à l’autre bout de la ville. Elle rentre quand son mari part : les deux cohabitent sans dialoguer, sans faire l’amour.

Sa serpillière aux franges roses, portée à l’épaule comme un étendard, Uma traverse les plans, en panoramiques filés. Nuit et jour se succèdent éclairant la ville chaotique de Mumbai, où se heurtent archaïsme et modernisme. Son itinéraire devient initiatique. Sur son chemin : des belles de nuit, des chevreaux, des oiseaux, des moniales bouddhistes, un ermite… Peu à peu, Uma se métamorphose, se laisse aller à ses pulsions. Elle ne supporte plus la lumière, les bruits. Est-elle une créature diabolique ? Une magicienne vaudou ? Un vampire ? « C’est difficile d’être humain » répondra-t-elle à ceux qui la traitent de monstre et veulent la brûler. Comme l’héroïne de Tiger Stripes [lire sur journalzébuline.fr] elle porte en elle la rage réprimée de toutes les femmes qu’on a cherché à faire entrer dans un moule. Cette rage punk devient puissance et pouvoir. Elle est une hors-la-loi, un samourai de Kurosawa, une guerrière et un clown triste à la Buster Keaton.

Le grand chaudron

Le burlesque – expressionnisme assumé des gros plans –, se mâtine d’horreur, le cinéma muet se déchire : le verbe, rare, violent, grossier, agressif, rapide comme l’éclair, explose inopinément. Le fantastique et le surréalisme, saugrenus, s’invitent dans la routine. C’est drôle et gore, beau et étrange. Par le choix du 35mm, l’utilisation du stop motion et du bricolage manuel préféré aux effets numériques, le film crée sa propre bizarrerie qui colle à celle de sa protagoniste, conçue comme « un bocal de plutonium instable ».

L’interprétation exceptionnelle de Radhika Apte, venue de Bollywood et du cinéma indépendant, porte le film de bout en bout. Tout comme la bande originale qui télescope allégrement soul cambodgien, des années 1960, heavy métal, rock alternatif, country et blues. L’ombre de Dylan plane comme celle d’Iggy Pop, dont une chanson donne son titre au film.

Son réalisateur l’affirme : le cinéma est comme un grand chaudron… de sorciers ou de sorcières, sans nul doute.

ÉLISE PADOVANI

Sister Midnight, de Karan Khandari

En salles le 11 juin

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