mercredi 2 octobre 2024
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[Spécial Saisons] FORUM JACQUES PRÉVERT : Trajectoires, le souffle des récits de vie 

Mettant l’intime sur le devant de la scène avec son festival Trajectoires, le Forum Jacques Prévert propose de secouer les méninges et les fourmis dans les jambes

Asseyant toujours davantage sa place singulière sur le territoire des Alpes-Maritimes depuis l’arrivée à sa tête de Pierre Caussin, le Forum Jacques Prévert entérine sa volonté de fédérer les grands lieux culturels azuréens avec une nouvelle édition du festival Trajectoires. Créé en 2019, ce temps fort vise à faire circuler les publics autour de propositions intimistes et exigeantes. Depuis 2022, l’événement se construit à l’échelle du département. Il essaime désormais dans plusieurs villes du littoral et du moyen-pays – Carros, Nice, Grasse, Cannes, Mougins et Mouans-Sartoux. Sa ligne artistique, quant à elle, reste inchangée : convier des artistes qui interrogent notre rapport au monde par le biais des récits de vie. De précieux parti pris sociétaux, tragiques ou humoristiques, qui résonnent et se prolongent durant des tables rondes, échanges, temps forts tour à tour festifs ou réflexifs, pour solliciter la tête et les jambes. 

Féminismes pluriels 

Les prismes féminins sont à l’honneur cette année. Après lui avoir consacré sa thèse de philosophie-psychanalyse – Frida Kahlo, martyr enfanté par l’effondrement –, Bénédicte Allard construit un solo autour du personnage sulfureux de l’artiste peintre, « femme dans un monde d’hommes. Elle s’est imposée à moi comme la personnification criante d’un art enfanté dans la douleur et la désintégration. Je suis tombée amoureuse de ses toiles, tableaux de vie empreints de chair, de sang, de folie, de sexe, de rire, de souffrance, de mélancolie et d’amour. »  (Frida Kahlo, ma réalité, les1er et 2 février au Théâtre national de Nice).

Autre vision du féminisme, celui éclos dans les clinquantes années 1980, façonné par des heures de comédie romantique sur petit écran et leur vision ultra stéréotypée du couple. À l’approche de la quarantaine, la pétulante Chloé Oliveres,revendiquée « féministe et midinette, ou midiniste, ou féminette », se livre à l’analyse de ses contradictions – qui pourraient bien s’avérer générationnelles (Quand je serai grande je serai Patrick Swayze, les 9 et 10 février au Forum ; précédé d’un atelier Dirty dancing la veille). Quant à Eva Rami, c’est à travers le triptyque Vole !, T’es toi ! et Va aimer ! qu’elle revisite la manière d’être une femme au sein de sa famille : inventer ses propres codes, les confronter aux regards des autres, trouver sa place au sein de sa tribu, et par-là-même assumer ses choix à l’égard de la société (les 6, 7 et 8 février au Théâtre national de Nice). 

Créations chorales 

Les créations chorales abordent des réalités familiales, partant du noyau nucléaire pour viser plus loin. Après Le Voyage de Miriam Frisch, la Compagnie Hanna R propose une nouvelle quête identitaire, lançant ses comédiens sur les traces de leur capital génétique : un véritable jeu de rôle sur les origines, entre fiction et réalité (ADN / Histoires de familles, le mardi 30 janvier au Théâtre de la Licorne, Cannes). En clôture du festival, la troupe de Léo Cohen-Paperman présente quant à elle le nouveau volet de sa série Huit rois (nos présidents), sur les dirigeants de la Ve République.Avec Le dîner chez les Français de Valéry Giscard d’Estaing, la compagnie Animaux en paradis remet au goût du jour un haut fait d’armes des années 1970, quand les actions symboliques précédaient les éléments de langage : le désormais fameux dîner du président et de son épouse Anne-Eymone chez la famille Deschamps-Corrini, dans une petite maison normande. Ce petit précis de démagogie sera bien sûr prétexte à une analyse politique entre la poire et le fromage, où le bien nommé feuilleté à l’andouille côtoie l’avènement du Minitel, le spectre de l’avortement ou encore le mirage du chômage… En guise d’apéro temporel, blind test des années 1970 et 80 par le collectif Bouge ton Uke ! Enfin, Trajectoires n’oublie pas de penser local. Monté jouer la comédie à Paris, Benjamin Tholozan n’en reste pas moins un enfant du pays. Et si dans sa famille, on parle « avé l’assent », lui n’a jamais attrapé les rondeurs du parler provençal. Au grand dam de ses ancêtres, il a même adopté le langage pointu de la capitale… L’occasion de revisiter l’histoire des dialectes de nos régions, au cours d’une épopée savante et échevelée (le 2 février au Forum). Le lendemain à la médiathèque de Mouans-Sartoux, c’est l’autrice niçoise Michèle Pedinielli qui retracera son parcours de vie, démarré dans le tumulte d’un printemps 1968, avant de bifurquer vers l’écriture de polars. Elle dédicacera son nouveau roman, Sans collier, paru aux éditions de l’Aube.

JULIE BORDENAVE

Trajectoires
Jusqu’au 16 février
Carros et alentour
forumcarros.com
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