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AccueilCritiques« Specky Clark », la fresque fantastique d’Oona Doherty

« Specky Clark », la fresque fantastique d’Oona Doherty

Dans Specky Clark donnée au Pavillon Noir, la chorégraphe britannique emprunte le folklore irlandais pour mieux raconter le présent. Avec théâtralité, expressivité et humour

Les références, dans Specky Clark, abondent. Et prennent toutes leur sens une fois conjuguées les unes avec les autres. Il y a, bien entendu, l’histoire de cet ancêtre, Edward, auquel Oona Doherty entend rendre hommage. Le folklore irlandais unissant le passé au présent, les vivants aux morts, l’animal à l’humain ; la fable, aux accents orwelliens, empruntant à la ferme un imaginaire et une symbolique ; le cinéma tragi-comique de Neil Jordan, marqué par Patrick McCabe, et sa description, dans The Butcher Boy, de l’Irlande des années troubles ; et bien sûr le prolétariat britannique et sa fureur dansée, immortalisée par les pas enragés de Billy Elliot. Cela fait beaucoup à embrasser pour Oona Doherty (Lire notre entretien ici)qui, avec ce ballet de grande ampleur narrative et formelle, entend s’imposer comme chorégraphe après avoir marqué la scène en tant que danseuse. 

Redistribution des cartes

Mais la jeune nord-irlandaise étreint sans peine et avec passion son sujet et ses moyens, nombreux et souvent surprenants, de l’explorer. On retrouve ici intacts son goût de l’image, du ralenti, et cette danse marquée par la violence, la virilité et la colère du prolétariat, d’une grande physicalité et d’une expressivité plus grande encore. Cette danse si reconnaissable dont l’impressionnante Faith Prendergast s’empare en endossant brillamment le rôle d’Edward Doherty : un jeune adolescent rebaptisé Specky (« binoclard » en anglais) en raison de ses épaisses lunettes, forcé, à la mort de sa mère, de devenir garçon boucher. Ces ensembles où apparaît dans un élan collectif la possibilité d’enfin faire corps, dans une redistribution des cartes, des rôles et même des genres. Mais aussi cette place plus grande que jamais accordée au texte signé par Doherty elle-même, faisant ici entendre une langue acérée, pleine de grandiloquence, d’humour mais aussi de tendresse pour ses personnages. Le théâtre occupe ici une place importante, servi par des interprètes rompus à différents modes de jeu, dont l’étonnant Gerard Headley dans un beau rôle de revenant. 

SUZANNE CANESSA

Specky Clark a été joué les 22 et 23 novembre au Pavillon Noir d’Aix-en-Provence

Retrouvez nos articles Scènes ici

Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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