Assis en hauteur sur un socle statuaire, Ahmed El Attar prend la parole et nous invite à prendre de la hauteur avec son seul en scène On the importance of being an Arab… Il nous plonge dans le quotidien des peuples arabes, au rythme d’échanges téléphoniques qu’il a avec ses proches, ses collègues de travail, ouvrant son espace confidentiel aux spectateurs et révélant l’état de l’opinion, à l’heure des guerres et des déclins.
Depuis 2011, la mobilisation de millions d’arabes et notamment de milliers d’Égyptiens sur la place Tahrir raconte les espoirs portés par les peuples arabes. Ahmed témoigne que les peuples n’ont renoncé à rien, poursuivant leurs mobilisations pour dénoncer la corruption et l’autoritarisme de leurs gouvernants au Sud, mobiliser contre les injustices sociales et politiques au Nord. Ils ne lâchent rien, même s’ils savent qu’il faudra remettre l’ouvrage sur le métier pour défendre les droits et la démocratie.
Les échanges téléphoniques s’enchaînent, sur fond de musique égyptienne. Et à Ahmed El Attar de rappeler certaines évidences parfois oubliées : il ne faut pas confondre la voix des puissants avec celle des peuples, engagés en faveur de la justice sociale et la démocratie, et refusant le monde binaire fantasmé par les puissants.
Une forme de sagesse critique se construit face au matraquage des propagandes capitalistes, impérialistes et souverainistes. La musique forte, en boucle, recouvre presque la voix du comédien sans la couvrir totalement, suggérant sa permanence dans le chaos du monde face aux démocraties assiégées.
Une pièce d’une grande utilité pour celles et ceux qui n’ont pas accès au traitement médiatique en langue arabe et aux médias internationaux. Une fois encore, Les Rencontres à l’échelle se distinguent en permettant l’accès au théâtre de langue arabe autant qu’à ses créations et ses artistes contemporains.
Ironie ultime, l’artiste évoque le programme de la prochaine édition du Festival d’Avignon qui met à l’honneur la langue arabe avec si peu de représentants arabophones… Combattre les présupposés culturels et s’en départir est un processus à poursuivre. Lui seul peut permettre de partager les cultures des autres, sans projeter ses propres représentations sur des civilisations millénaires.
SAMIA CHABANI
Un hommage à Oum Khaltoum
Sur le Grand plateau de la Friche La Belle de Mai, le groupe Love and Revenge présentait sa nouvelle création Agmal Layali, un « bal musical et cinématographique » en forme d’hommage à la grande chanteuse égyptienne. On y voit Oum Khaltoum, surnommée « l’Astre de l’Orient », dans sa musique comme dans ses engagements, comme lorsqu’elle s’exprime sur la guerre des Six-Jours, alors qu’elle reversait ses cachets de L’Olympia à son pays, en plein effort de guerre. Une époque où l’Égypte rayonnait avec Nasser, architecte du panarabisme, et d’un socialisme arabe opposé à toutes les puissances coloniales. S.CH.