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« Tant que le soleil frappe » : les riches et les délaissés

Entretien avec Philippe Petit et Swann Arlaud, réalisateur et acteur de "Tant que le soleil frappe", en avant première aux Variétés de Marseille ce 17 janvier

Tant que le soleil frappe, sélectionné pour la 37e édition de la Semaine internationale de la critique de la Mostra de Venise, était en compétition au Cinemed 2022. Son réalisateur, Philippe Petit, et l’acteur Swann Arlaud incarnant Max, son personnage principal, ont parlé du film, qui est présenté en avant première au cinéma Les Variétés ce 17 janvier en présence du réalisateur. Résumé de cet entretien.

Le titre 

Philippe Petit.
 Assez littéraire, il ressemble aux titres assez courts de mes films précédents. Au moment de l’écriture du film à la Villa Médicis, le titre était Vae victis (Malheur aux vaincus). Quand on a tourné, c’était le titre idéal. C’est toujours compliqué, J’ai pensé à Le Soleil vert, mais c’était déjà pris ! Après, j’ai envisagé La Place. Finalement, c’est Tant que le soleil frappe. Je voulais quelque chose qui renvoie à une idée de lumière et qui rende compte de l’énergie du film… 

L’idée du film et l’écriture du scenario

Dans mes films, je ne parle que de ce qui m’est proche, de moi, de mes amis. L’idée de départ était de dire la difficulté que j’avais à monter des films et de parler de ceux qui, autour de moi, n’y arrivaient pas. Quand on a un projet au long cours et qu’il faut aller chercher de l’argent public, il faut s’accrocher… Je voulais parler de la ténacité qu’il faut pour mener un projet à terme. À l’origine, j’ai fait une licence d’histoire-géo avant d’entamer des études de cinéma. Pour faire la Femis, il fallait un bac+2 et j’ai fait un deug de géographie. Je travaillais dans un cabinet d’études d’impact sur l’environnement à Toulouse et j’ai été sensibilisé à la nature. Après l’Ensa, j’ai voulu faire un film sur la mise en relation d’un garçon urbain avec un milieu végétal et je n’ai pas pu aller au bout de ce projet. Et plus tard, ça m’est revenu et quand j’ai vu l’évolution des centres urbains ! L’impression que toutes les villes avaient la même gueule, les mêmes rues piétonnes. J’ai donc rencontré des paysagistes, j’ai travaillé avec l’un d’entre eux ; Coloco qui m’ont aidé et fait rencontrer Gilles Clément ainsi que Patrick Blanc créateur des murs végétaux. J’ai fait aussi un stage pendant mon séjour à la Villa Médicis et un court métrage, Antérieur. 

Marseille

À l’origine, le film devait être tourné à Rome. Avec la Covid, c’était compliqué. Je cherchais une ville méditerranéenne. Ce n’était pas obligatoirement Marseille. Ce pouvait être Montpellier ou Beyrouth. Marseille a une lumière splendide. C’est une ville extrêmement cinématographique, une ville que j’adore. J’hésitais avec Perpignan. On a postulé et on a été soutenu par la Ville de Marseille. On a travaillé avec des gens du coin. 

L’intention

Je ne voulais pas faire un film de banlieue. Le quartier choisi est en plein centre, un quartier populaire où la gentrification est importante. Une sorte de mémoire est gommée, effacée. Les paysagistes appellent ça un « délaissé », une sorte de friche laissée telle quelle. Dans beaucoup de villes, il n’y a plus de place pour les « délaissés ». 

La préparation et le tournage

Swann Arlaud. Il n’y avait pas de choses concrètes pour se préparer. Cela faisait longtemps qu’on s’était rencontrés avec Philippe mais le film a été retardé avec la Covid. On parlait de  ce film depuis quatre ans et Philippe m’avait donné des livres à lire, dont celui de Gilles Clément ; on était allé voir des jardins. Je n’ai pas vraiment préparé ce film. Après l’arrêt des projets à cause de la pandémie, j’ai dû en tourner trois dans l’année, ce que j’essaie d’éviter habituellement. J’étais épuisé et je n’avais pas envie de travailler car je sentais que ça allait être très fatigant : c’est un « petit » film avec peu d’argent et on a tourné en même pas cinq semaines. Avec un rythme de folie ! La nervosité du personnage, on sait d’où elle vient ! Une sorte de similarité entre nous. Philippe m’a donné ses chaussures et quand je regarde le film, il y a des moments où je crois voir Philippe. Le personnage s’est fait aussi comme cela… Philippe m’a donné une place un peu plus grande que celle d’un « exécutant ». Et on a fait le film dans cette énergie et cette construction permanente.

Djibril Cissé

P.P. Je voulais une figure publique, un footballeur. Il a accepté tout de suite et il est très sympathique. Il était curieux d’avoir une nouvelle expérience de vie. Le seul enjeu était de savoir s’il pouvait jouer son propre rôle. Il n’a eu aucun stress et l’a fait parfaitement. Le fortin de Corbières, sa maison dans le film, appartient à un autre footballeur [Jean-Christophe Marquet, ndlr] qui la loue (assez cher d’ailleurs).

S.A. Je me suis aperçu que le football était plus important que le cinéma ! La scène où Djibril fait du sport avec son fils, il a fallu la tourner aux aurores. Sinon, c’était vite l’émeute ! Moi, je ne savais pas qui il était. Contre toute attente, Djibril, lui, me connaissait et était très content de travailler avec moi.

Le travail

P.P. C’est un film sur le travail. Il y a le travail physique, le travail politique, le travail affectif et le travail sur soi. Le personnage de Max doit composer avec tout cela. Il est très constructif, il a compris les choses et en tire des leçons. Il n’y a pas d’âge pour espérer faire des choses, pour continuer à avoir de l’espoir. Je voulais faire un film sur un échec car on apprend beaucoup d’eux. On ne parle pas assez des gens qui perdent. D’ailleurs que veut dire « perdre » ? On  encense toujours ceux qui gagnent. Or quand on échoue, on a envie de réfléchir et là on va au fond de soi. Le film interpelle cette question.

L’arbre de vie

P.P. On avait envie d’une action symbolique : prendre quelque chose du milieu des riches, cet arbre pour le placer dans le projet citoyen. Le terrain choisi avait été vendu par la Ville à des Japonais et il nous a fallu une autorisation de Tokyo pour tourner !

S.A. Il y a quelque chose de profondément politique dans ce film. Quelque chose d’important sur notre époque et notre société. Il faut le dire. Il n’y a pas de place pour ces projets. Tout doit aller vite et on sait bien qu’il faut ralentir, reconsidérer notre manière de vivre, de consommer. Des gens qui mènent des initiatives – et il y en a plein ! – sont empêchés, entravés. Cela me semble faire partie du cœur du film et c’est ce qui m’a tout de suite touché.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNIE GAVA

Tant que le soleil frappe, de Philippe Petit
En salle le 8 février
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