« Ce morceau est sorti de nulle part. Au début, il y avait un rythme sans mélodie, du verbe sans doute… voilà une façon de commencer », sourit Gauthier Toux alors qu’il salue, après son entrée en matière musicale, le public massé dans la salle du Moulin à Jazz qui affiche complet. Les trois musiciens complices depuis plus de dix ans, Gauthier Toux (piano), Simon Tailleu (contrebasse) et Maxence Sibille (batterie) forment un trio de choc sur la scène du jazz français. Le premier cumule les distinctions : lauréat La Défense Jazz Festival, Tremplin Jazz à Vienne, Révélation Jazz Magazine, Talents Jazz Adami … Le dernier album du trio, The Biggest Steps (une petite merveille à écouter en boucle), né d’un long mûrissement lors des années de pandémie, voit de nombreux morceaux cités au cours du concert, tissés avec les pièces nouvelles. « Durant notre résidence ici, on a cherché et trouvé en expérimentation ce que vous allez entendre, explique le pianiste. Si notre dernier album est très acoustique, notre musique est aussi au cœur des influences du hip-hop et de l’électro, avec beaucoup d’improvisations que nous avons creusées ». Sur les nouveaux morceaux se posent des titres, « peut-être pas définitifs » : La pente, ruisseau délicat de notes soutenues par une batterie aérienne, Patience et son piano séraphique conjugué aux perles de temps immuables de la contrebasse, Sur le fil et l’époustouflante indépendance rythmique des mains sur le clavier…
Subtiles variations
Sans compter quelques pépites à paraître sur le vinyle prochain, bâti avec des musiques de Biggest Steps dont les constructions envoûtent par leurs répétitions ostinato aux subtiles variations, leurs montées en puissance comme dans l’hypnotique Turning around, ou la luxuriance de The Biggest Steps où la main gauche du pianiste s’accorde aux rythmiques de la batterie tandis que la droite se fond dans les notes perlées de la contrebasse. Un hommage à Paul McCartney, Jenny Wren, flirte avec les ragas de l’Inde et les accents du duduk arménien. Twelve, solo de piano délicatement onirique, est une chanson sans paroles, « composée pour ma femme avant qu’elle le soit », raconte Gauthier Toux. À l’ovation des spectateurs répondent la chanson des Beach Boys Wouldn’t be nice et A secret place, « écrit un dimanche matin à Marseille, chez Hélène Dumez qui nous a accueillis en résidence alors que tout était fermé », dédicace sous la forme d’un paysage d’âme, comme toutes les pièces de ce trio qui sait si bien inventer de nouveaux modes en abolissant les frontières entre les genres musicaux et dessinant ses propres labyrinthes.
MARYVONNE COLOMBANI
Le concert de Gauthier Toux Trio a eu lieu le 24 février, au Moulin à Jazz, Vitrolles.