Obscurité sur la scène où se trouve, sur le devant, éclairé chichement, une table et deux chaises en formica, deux verres d’eau, deux piles de feuilles. Les deux acteurs-lecteurs (Muriel Legrand et Léonard Berthet-Rivière) présentent la pièce qu’ils vont nous lire : Le Mystère du gant de Roger Dupré, une pièce en quatre actes et treize personnages. Vaudeville au cours duquel, nous préviennent-ils, on risque d’être un peu perdu. En effet : l’histoire raconte la vendetta de Gérard Berni-Mollin contre son concurrent Raymond Duchaussoy, dans un dédale de petites histoires imbriquées et absurdes.
Postiches et bifles
À travers la lecture malicieuse et animée des deux comédiens, les placards se remplissent d’hommes nus, les portes claquent, les sonnettes sonnent, les quiproquos naissent, le tout illustré à coup de moustaches postiches, sourcils froncés, langage châtié et mimiques minimales. Puis ça commence à dérailler dans les grandes largeurs, on ne sait plus où on en est dans les personnages et les situations, eux non plus, on tourne en boucle : ils relisent trois fois la même scène, la mécanique rythmée et calibrée du vaudeville commence à flotter, jusqu’à un absurde mâtiné de trash. De grande giclée d’eau piochées dans les verres sont de la sueur de désir, les moustaches-postiches ne tiennent plus du tout, de rage la comédienne finit par tous se les coller sur la figure, en brandissant le bras arraché de l’employé immigré entre ses jambes, et en en biflant d’énervement son partenaire. Tout part en cacahouète, engloutit les pauvres restes de l’imbroglio adultérin et allume les lumières d’un grand n’importe quoi inconscient, sauvage, gonflé et coloré. Hilarant et réjouissant !
MARC VOIRY
Le Mystère du gant
Jusqu’au 14 décembre
Théâtre des Bernardines, Marseille
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