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Une bleue qui a tout d’une grande 

Elise Vassallucci sort en ce début d’année 2025 son premier album, Capharnaüm. Un remarquable mélange entre jazz et chanson française, empreint de poésie. Rencontre

Elise Vassallucci est certainement plus qu’une chanteuse de jazz. Sur son premier album, Capharnaüm, cette artiste, née en 1998 à Marseille, déploie des pans d’une autobiographie sensible aux parfums d’un jazz qui se conjugue pleinement avec la chanson française la plus poétique. Encore étudiante au Centre des musiques Didier Lockwood, à Paris, c’est entre les conservatoires d’Aix-en-Provence et de Marseille qu’elle s’est formée en violon classique, en jazz et en chanson française (ainsi qu’auprès de Francis Cabrel à Asttafort). Elle nous convie ici, dans sa propre chambre, dans la maison familiale de Rognes (où elle a écrit ses premiers textes). Ce premier album peut aussi bien toucher l’amateur·rice du jazz le plus authentique que l’auditeur·trice de la chanson francophone.

Individuel et collectif

Une création individuelle, dans une production collective, c’est ainsi qu’Elise Vassallucci entend définir sa méthode de travail sur ce disque. « Quand je propose une composition, je viens avec des paroles et la mélodie. On s’assied en cercle et on discute. Comme c’est un disque très intime, je devais m’entourer de personnes de confiance. Sans les couleurs de Mélanie Pérez (chœur), Pierre Mikdjian (piano), Nghia Duong (contrebasse) et Léo Achard (batterie), ma musique n’est rien ». De fait, les arpèges impressionnistes du pianiste, les lignes profondes du contrebassiste et les rythmes envoûtants du batteur tissent au fil des titres un canevas sensoriel serti d’émotions contrastées. 

Le duo avec le batteur sur Ma Muse, un titre d’inspiration brésilienne, permet de saisir l’ampleur de la complicité qui l’unit au jeu coloriste de ce rythmicien poétique. Ce morceau est un beau pied-de-nez à la question du genre dans le jazz, puisque cette « muse » en question est un homme, un ancien amoureux. Elle y déclame vouloir s’amuser en homme : « C’est par rapport à toutes les fois où j’ai dû m’imposer pendant les jam-sessions, dans un univers toujours très masculin. J’ai fait mon coming-out queer pendant la création de l’album. Cela fait bien dix ans que je suis militante féministe. Ça permet d’être de moins en moins invisible dans le milieu du jazz où se développe un sens de la sororité qui implique des musiciennes comme la contrebassiste Louise Knobil, ou aussi des techniciennes, des attachées de presse… »

Une nouvelle voix

Et puis il y a cette voix, qui a tout d’un instrument. « J’ai toujours chanté mais j’avais tendance à me cacher derrière le violon », instrument qui ne lui permet pas d’exprimer sa colère à l’adolescence. Elle trouve un espace nouveau dans la littérature, puis dans le jazz, où elle trouve sa voix, notamment par la pratique du scat. « Le be-bop m’a inspirée jusque dans l’écriture de mes textes, par exemple sur Marseille, où je prends appui sur une rythmique impaire qui m’a beaucoup influencée ». 

Mélismes fondants, allongement des phonèmes, ampleur de la tessiture ou même parlé-chanté aux contours rappologiques : Elise Vassallucci s’empare avec délectation de registres variés pour nous balader dans ses émotions intimes. Sans jamais se départir d’un sens de la chanson francophone qui emprunte autant à Piaf qu’à Brel (dont elle retrouve les accents narquois), à Joe Dassin qu’à Cabrel (dans le sens d’une chanson authentiquement populaire). Sans oublier la voix mezzo-soprano d’une Barbara, dont elle reprend, en dernière plage du disque Mon Enfance, où si à l’écoute de ces paroles enrobées dans un écrin symphonique délicatement groovy vous ne versez pas ne serait-ce qu’une larme, consultez !

LAURENT DUSSUTOUR

Capharnaüm, Élise Vassallucci

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