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Une enfance perdue, un livre retrouvé

Paru une première fois en 1998 et réédité aujourd’hui, Le Petit roi, premier roman de Mathieu Belezi, raconte avec intensité la jeunesse difficile d’un garçon abandonné

« Je suis enfant et je me crois coupable de tout. » Mathieu est effondré par l’abandon qu’il subit. Sa mère vient de le laisser aux soins de son grand-père dans une ferme de Haute-Provence ; séparée du père, elle va ailleurs chercher sa vie. Nous n’en saurons pas plus. L’été passé, Mathieu fait sa rentrée en 5e dans une école de curés. Ce n’est pas un bon élève. Très vite, on sent qu’une grande souffrance consume l’enfant. Non seulement celle de l’abandon, mais surtout celle du fils trop souvent témoin des disputes de plus en plus violentes de ses parents dont les échos surgissent au fur et à mesure du récit comme des éclairs, toujours plus forts, qui le hantent et reviennent par vagues. Aussi cette douleur se retourne-t-elle sur le chat, les poules, un copain de l’école qu’il méprise et soumet avec cruauté. 

Une écriture au scalpel

Il a des rêves de liberté et de maturité, s’enfuit dans la neige de l’hiver pensant pouvoir y trouver la mort que, dans sa détresse, il appelle de ses vœux. Son grand-père, veuf depuis vingt ans, est un taiseux mais lui porte une affection attentive, sans pourtant se douter de la dimension de ses angoisses. La mère leur rend visite pour Pâques, un fol optimisme saisit Mathieu mais elle repart sans lui donner d’explication, ni d’espoir. L’été revenu, la Saint-Jean rassemble les habitants, les garçons et les filles. « La dentelle troublante de leurs rires, leurs robes qui sentent la lavande, leurs cheveux qu’argentent les étoiles, tout nous porte à jouer les hommes. ». Mathieu Belezi évoque l’éveil de la sensualité et des désirs du jeune garçon qui pose un regard désabusé et haineux sur le monde, « adulte avant l’âge. » On pense au jeune héros des 400 coups, qui lui aussi avait une grande soif d’amour, ou à la violence de Genet, enfants trahis qui cherchent à s’inventer un autre monde. La cruauté qu’ils exercent sur les autres ne les rassasie pas tant ils ont de douleur enfouie. Ce petit livre si fort, si intense, écrit au scalpel, paru pour la première fois en 1998, était épuisé quand l’éditeur, Frédéric Martin, l’a découvert, avec d’autres, eux aussi oubliés. Il a alors décidé de rééditer l’ensemble de l’œuvre. Attendez-vous à découvrir d’autres textes sublimes.

CHRIS BOURGUE

Le Petit roi, de Mathieu Belezi
Le Tripode – 15 €
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