Sur l’écran apparaît un visage, crayonné par le réalisateur d’un trait nerveux et fin, à l’aide d’un Ipad – Ali Zare Ghanatnowi ne peut plus dessiner depuis les tortures subies dans les prisons iraniennes. Ce visage est celui de Ghazaleh, une jeune femme qui manifeste pour ses droits pendant la grande mobilisation de 2021. En voix off, c’est elle, à la première personne, qui raconte la balle reçue entre ses deux yeux, puis les mensonges du régime pour étouffer les raisons de sa mort. À l’image, on la voit étendue par terre, les yeux vides, une flaque autour de son visage, rouge comme la grenade. Poignant, difficilement supportable, voilà l’horreur du régime iranien encore une fois sous nos yeux. Mais que faisons-nous ?
Ali Zare Ghanatnowi beaucoup. Ses films sont projetés partout dans le monde, et souvent dans les pays arabes, où passent des officiels du régime iranien, comme en Égypte ou au Koweit. Ce 23 janvier, il était invité au Vidéodrome 2 par l’association La Cimade, qui vient en aide aux migrants, et les Ateliers des artistes en exil, qui accueillent le cinéaste, pour découvrir trois de ses films dont cette Grenade Noire, un court métrage d’hommage à Gazaleh, victime du régime iranien pendant le mouvement « Femme, Vie, Liberté ».
La guerre continue
Trois ans après, le régime iranien « intensifie sa guerre contre les femmes » explique une publication d’Amnesty International parue en septembre dernier. Le 22 juillet 2024, des policiers ont tiré à balles réelles sur une femme qui conduisait sa voiture sans voile, la blessant grièvement. Deux défenseures des droits humains, Sharifeh Mohammadi et Pakhshan Azizi ont été condamnées à mort pour « rébellion armée contre l’État », et deux autres, Wrisha Moradi et Nasim Gholami, sont actuellement « jugées » pour les mêmes motifs.
Malgré ces crimes connus et répétés, la France poursuit une politique ambivalente vis-à-vis de ce régime. Comme l’a souligné récemment Marjane Satrapi en refusant la Légion d’honneur, les fils des mollah peuvent librement circuler à Paris ou Saint-Tropez, alors que « de jeunes Iraniens épris de liberté, des dissidents, des artistes » se voient refuser le droit d’entrer sur le territoire.
NICOLAS SANTUCCI
Projection donnée le 23 janvier au Vidéodrome 2, Marseille.