Confronter les époques en les faisant passer au creuset de l’art, quelle belle idée ! Le chorégraphe Mourad Merzouki, le violoniste Julien Chauvin et l’ensemble qu’il a fondé, Le Concert de la Loge, fêtent le 300e anniversaire des Quatre Saisons de Vivaldi (l’œuvre aurait été composée entre 1723 et 1724). Dans l’ombre, les artistes s’installent, l’accord de l’orchestre vibre. Impossible de différencier musiciens et danseurs : tous sont vêtus dans les mêmes teintes d’automne, ocres, roux, terre glaise dans laquelle tout se refonde. Les danseurs émergent d’entre les instrumentistes. Les corps racontent les lignes mélodiques, se ploient à leurs tempi, se ressourcent au sol, se livrent à des envolées acrobatiques, offrent leur dynamisme aux figures classiques de la breakdance. Le thème des battles, familier des compétitions de ce style de danse, se joue de ses propres codes, voit danseurs et violons se confronter en prouesses techniques. La rencontre entre les modes d’expression accorde une tension particulière à l’œuvre. Les Quatre saisons deviennent l’objet d’un enjeu puissant où les êtres tentent de découvrir un sens. La porosité entre les genres et les époques n’efface pas les distances, mais autorise une fusion intéressante où les gestes se réinventent. Les pas de deux se nouent au cœur d’une danse qui, au départ, magnifie l’individu dans sa performance solitaire, les instruments d’orchestre, statiques d’habitude, se mettent en mouvement et se mêlent aux pas des danseurs. Les uns et les autres transforment leur manière d’être en scène grâce à la réalisatrice et scénariste Coline Serreau : les uns s’asseyent pour écouter, les autres s’interrompent pour regarder… L’œuvre symphonique se mue en opéra et c’est très beau.
MARYVONNE COLOMBANI
Les Quatre Saisons s’est joué le 17 avril au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.