À Gardanne, le Trio Nota Femina investissait l’église quasi pleine pour un concert qui privilégiait des œuvres du XXème siècle dans des transcriptions pour harpe, flûte et alto.
Trop rare sur scène, ce trio réunit des musiciennes de haut vol, Amélie Gonzales Pantin (flûte traversière et piccolo), piccolo solo de la Musique des Équipages de la Flotte depuis 2007 entre autres formations, Guitty Peyronnin Hadizadeh (alto), altiste notamment de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon depuis 1987, Elodie Adler (harpe), lauréate de multiples concours internationaux et harpiste de l’ensemble Accroche Note. Cette dernière présentait avec finesse le florilège des pièces interprétées : « le XXème a été une période extrêmement inventive, grâce aux expositions universelles, les compositeurs ont ouvert leurs oreilles aux musiques du monde et nous offrent des voyages à moindre frais ! » Les harmoniques distendues par l’architecture de l’église furent vite apprivoisées par les musiciennes qui jouèrent de leurs débordements.
En ouverture, les trois interprètes accordaient leur espiègle vivacité à la Fantaisie pour un gentilhomme que Joaquin Rodrigo (oui, l’auteur du célébrissime Concerto d’Aranjuez) dédia au guitariste Andrès Segovia qui l’avait commandée (lui, le « gentilhomme » de la guitare). Inspirée par les danses écrites par Gaspar Sanz (XVIIème siècle), cette fantaisie, œuvre concertante, gardait toute sa fraîcheur et sa puissance dans sa transcription en trio, avec un souci des nuances, des phrasés, des intentions que l’on retrouvait dans la suite du concert. La Suite brève pour flûte, alto et harpe (1923) de Ladislas de Rohozinski offrait ses atmosphères impressionnistes aux frontières du cinéma, modulant d’amples vagues à la harpe sur lesquelles la fluidité de la flûte posait des mélodies qui n’étaient pas sans rappeler certains airs de Fauré. Quatre pièces empruntées à la musique traditionnelle arménienne donnaient l’occasion de rappeler la richesse des musiques populaires dont nombre de compositeurs se sont nourris, se transformant parfois en ethnomusicologues. Le piccolo apportait ses aigus, redessinant les paysages. On se glissait dans l’univers de Maurice Thiriet que l’on connaît davantage par ses musiques de film (Fanfan la Tulipe de Christian-Jacque, Le Grand Jeu de Robert Siodmak, Les Enfants du Paradis (avec Joseph Kosma) ou Les Visiteurs du soir de Marcel Carné, entre autres). Même conçue pour trio, l’écriture reste très orchestrale, multiplie les détails dans la masse sonore, crée des micro-évènements, s’enthousiasme de parenthèses et de commentaires. Nous entraînant à la suite de Ravel dans les contes de Ma mère l’Oye, Pavane de la Belle au Bois Dormant, Le Petit Poucet, Serpentin Vert (Laideronnette, Impératrice des Pagodes), Entretiens de la Belle et la Bête, Jardin Féérique… les tableautins se succèdent alors teintés d’espièglerie et de poésie. La complicité entre les trois artistes apporte une liberté et une expressivité rares, jubilation d’une musique commune qui trouva une énergie passionnée dans l’hommage aux quatre saisons (un extrait, Primavera porteña) de Vivaldi par Piazzola. Un bis aux couleurs irlandaises vient clore ce temps suspendu.
MARYVONNE COLOMBANI
Concert donné le 17 septembre, église de Gardanne, dans le cadre des Journées du Patrimoine