Depuis l’éclat au grand jour de la crise de l’accueil, la question migratoire est un sujet que bon nombre d’artistes s’approprient. On pourrait ranger Mathieu Pernot parmi ceux-là. Lui qui pénétra dans l’emblématique forêt – plutôt que le terme avilissant de jungle – de Calais en 2009. Pourtant le photographe, remarqué dès 2001 pour son précieux travail documentaire sur l’ancien camp de tsiganes à Saliers, près d’Arles, s’inscrit dans une démarche qui le distingue de ses pairs. Avec L’Atlas en mouvement, exposition incluse dans la programmation hors les murs des Rencontres d’Arles 2022, il globalise l’acte migratoire dans une histoire commune au vivant, à partager avec toute la communauté humaine. Scénographié en onze chapitres, le parcours prend la forme d’une narration visuelle polyphonique, s’engageant dans une approche pluridisciplinaire et participative, en écho aux pratiques artistiques contemporaines. Trouvant des déclinaisons dans l’astronomie, la cartographie, la botanique, la question environnementale, l’habitat, la notion de déplacement, le traitement des corps, l’écriture et la langue, cet atlas rassemble, au-delà des photographies de l’auteur, de multiples objets. Et de se lire à travers divers supports. Plusieurs éléments exposés semblent se répondre. Ici des scènes de vie dans le camp surpeuplé de réfugié·e·s de Mória, sur l’île grecque de Lesbos, non loin d’images de ville en ruines en Syrie : point de départ et point de chute d’un parcours qui s’est imposé. Là un amoncellement de gilets de sauvetage que l’on ne peut s’empêcher de mettre en miroir avec une carte marine des naufrages. Ailleurs, des cahiers scolaires où sont écrits des récits d’exilé·e·s répondent ironiquement à d’autres pages d’écoliers datant, eux, de l’époque coloniale. Dans la « Black box », des vidéos envoyées par des migrants eux-mêmes à Mathieu Pernot viennent nous rappeler l’évidence. Ces hommes et ces femmes ne sont pas les sujets anonymes d’une actualité désincarnée mais les actrices et les acteurs d’une histoire qui se construira avec eux. Quoi que les décideurs croient décider.
LUDOVIC TOMAS
L’Atlas en mouvement Jusqu’au 9 octobre Mucem, Marseille