Foin des hiérarchies ! Il n’est que des « musiques savantes », « actuelles », « populaires », s’exclame Bruno Allary. Guitariste, compositeur, directeur et fondateur de la Compagnie Rassegna, il signe le troisième opus de son triptyque entamé avec Il sole non si muove. Poursuivi par Contretemps et Qui vive !, il se réjouit ici d’effectuer la réunion improbable d’univers habituellement fermés, jouant sur leur porosité, leurs modes, leurs tonalités en un somptueux opéra baroque en trois actes précédés d’un prologue et scandés d’interludes, « Théâtre de l’amour, Théâtre de la folie », « Théâtre de la mort ».
Le XVIIe siècle à l’honneur
L’album devient un spectacle vivant, au cœur duquel tous les registres semblent convoqués. Enjouement espiègle d’À la fin cette bergère d’Antoine Boësset, délicatesse nostalgique d’Augellin de Stefano Landi que vient bousculer une intrusion scratchée et un final électro. Poésie de Se l’aura spira de Frescobaldi entre guitare électrique et flûte à bec, travail en échos de l’incipit de Che si può fare (Barbara Strozzi) mené par le platinage de L.Atipik dont l’ouverture emportait tous les possibles avec de larges vagues sonores, rêverie du passage instrumental Mantovana (Zanetti) scandé par une voix qui se pose en gouttes de pluie… Un élan de blues mâtiné de platine laisse la mélodie vocale s’étirer avec souplesse dans Comme un écho (C. Salvado/B. Allary).
On se laisse emporter dans cette invention musicale et rythmique où tout nous est familier et surprenant à la fois. Purcell, Moulinié, Merula, peu importe le compositeur originel, la pâte finale est d’une actualité bouleversante, servie avec une sensible intelligence par Nolwenn Le Guern (viole de gambe, guitare basse), Clémence Niclas (chant, flûtes à bec), Carina Salvado (chant, percussions), L.Atipik (platinage artistique) et Bruno Allary (guitares, chant et même danse endiablée lors du spectacle). Un bijou taillé à écouter en boucle !
MARYVONNE COLOMBANI
Qui vive !, Compagnie Rassegna
Buda Musique
16,50€