Difficile de deviner, à l’oreille nue, que le dernier disque enregistré par Fabio Biondi ne comporte que des œuvres de Félix Mendelssohn – du moins jusqu’à ce que retentisse le très beau Largo et Allegro. Le célèbre compositeur romantique allemand ne s’est certes jamais aventuré du côté de la démesure wagnérienne. Et le violoniste et chef italien, à la tête son ensemble Europa Galante, s’est imposé en déjà quatre décennies comme une référence mondiale dans le répertoire baroque. Mais tout de même : difficile de nier que le spectre de Bach et de Vivaldi plane avec insistance sur les pages explorées. Les opus choisis sont certes des œuvres de jeunesse : l’Allegro de la Sinfonia MWV N°2 regorge d’entrées fuguées que n’aurait pas reniées le Cantor de Leipzig et ce, malgré le siècle qui le sépare de Félix Mendelssohn. Bien que le Largo qui lui succède semble hésiter entre le contrepoint foisonnant à la Bach et les marches harmoniques redoutablement efficaces d’un Mozart. On demeurera ainsi soufflés par la virtuosité des nombreuses Fuga enregistrées par l’ensemble, ainsi que par le Concerto pour violon n°2 sur lesquels s’illustrent les musiciens. On y saisit, dans le phrasé inimitable de Biondi, tout ce qui rapproche le scherzo cher à ce romantisme-là des codas prisées par Vivaldi.
Car tout n’est pas à imputer, dans cette proximité troublante, à la seule partition : le Salve Regina entonnée par la soprano Monica Piccinini, éloigné de toute friture belcantiste, de tout vibrato verdien, se distingue dans son interprétation même des lectures habituelles de ce répertoire. On sait à quel point le maître du baroque était vénéré par le jeune romantique hambourgeois, et à quel point ce dernier œuvra pour faire connaître son œuvre alors poliment oubliée. Mais rares furent les musiciens à en démontrer aussi brillamment la parenté.
SUZANNE CANESSA
Mendelssohn, Fabio Biondi & Europa Galante
Naïve Records 12,20€