Après avoir été au début des années 1970 membre du groupe d’avant-garde Support/Surfaces – qui affirmait que le seul sujet de la peinture devait être la peinture elle-même, dans sa matérialité – le Montpelliérain Vincent Bioulès est passé sous les radars les plus médiatiques de l’art contemporain pendant quelques décennies. Car, répondant à ses propres désirs, il s’était mis à peindre à l’huile des paysages, natures mortes, nus et portraits. Pratique quasi infâmante, dans une période devenue avide de « nouveautés ». Il bénéficie, à l’aube de ses 85 ans, d’un regain d’intérêt, notamment depuis sa rétrospective en 2019 au musée Fabre de Montpellier, et aujourd’hui au musée Regards de Provence de Marseille.
Littoraux
On est accueillis au rez-de-chaussée par deux très grandes toiles : Le chant des sirènes, cinq nus féminins immenses, aux courbes gourmandes, accoudés nonchalamment à une rambarde sur fond de guirlandes d’écume blanche. Juste à côté de La Ponche V (Saint-Tropez), trois minuscules silhouettes sur une pointe d’esplanade jaune, s’avançant sur une mer bleue et sous un ciel gris. À l’étage, les figures humaines vont se faire très discrètes, pour laisser toute la place à des paysages travaillés en série.
Certains proposent des confrontations d’une même vue à vingt-cinq années de distance : La Tourette et le Fort Saint-Jean. D’autres, des déclinaisons sur une même période, telles les monumentales Île Maïre 1 et 2. Quelques-unes sont en exemplaires uniques, par exemple Les Bains du Petit Pavillon, Les Catalans ou un Mistral. La plus importante série est celle consacrée à l’étang de l’Or, avec huit toiles réalisées entre 2015 et 2019, représentant ce paysage héraultais tout en horizontalités. Mais que ce soit à Marseille, à Saint-Tropez, du côté de Montpellier ou de Palavas, « représenter » n’est pas le mot exact.
Matérialité toujours
Car la plupart de ces paysages ne semblent être que les objets d’une peinture se révélant toujours dans sa matérialité comme son propre sujet. Combinaisons et contrastes de tons, d’ombres et de lumières, mais aussi de multiples textures, densités, touches. Allant même jusqu’à proposer un morceau de gestuelle tourbillonnante dans Le mois de mars, où, sous un ciel bleu azur, traversé de bout en bout par un nuage à l’aspect de guirlande montagneuse, le motif de l’étang de l’Or disparaît quasiment. Le tout laissant l’impression qu’avec Bioulès, plus on pénètre la matière, plus on se rapproche du rêve.
MARC VOIRY
Au bord de l’eau – Vincent Bioulès Jusqu’au 21 mai Musée Regards de Provence, Marseille museeregardsdeprovence.com