mercredi 24 avril 2024
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Festival Flamenco de Nîmes : le duende de Noël

Galván, Molina, Marín, Morales, Perrate, Riqueni, Elche et bien d’autres. Également du cinéma, des rencontres, des expositions et un « off ». La 33e édition du Festival Flamenco de Nîmes confirme l’excellence et l’exigence artistiques d’un événement parmi les plus attendus du genre

L’un est au patrimoine mondial de l’Unesco. L’autre pas. À défaut, Nîmes peut revendiquer ses galons de capitale du flamenco. Au moins le temps d’une quinzaine, chaque hiver, et depuis plus de trois décennies. Si le Théâtre de Nîmes et son directeur François Noël visent souvent haut, le Festival Flamenco 2023 frappe particulièrement fort. Après deux années perturbées, l’envie de se surpasser et de combler les aficionados est palpable à la lecture de l’affiche de la 33e édition. Il eût sans doute été difficile de faire mieux. Avec un conseiller artistique qui est aussi directeur de la Biennale de flamenco de Séville, cela rend la chose plus aisée. Peut-être plus que nul autre programmateur, Chema Blanco a le flair et l’audace de se saisir, dans le bouillonnement de la création flamenca actuelle, des projets qui créeront l’événement. Parce qu’il sait aussi que rien ne serait possible sans inviter celles et ceux qui perpétuent les formes cardinales de cet art, le festival nîmois est observé comme une des références internationales du genre.

Rosario La Tremendita © Alejandra Amere

Punkette de Triana
Sur la quinzaine de propositions de ces deux semaines qui prolongent admirablement les fêtes de fin d’année, une belle majorité est consacrée à la danse. Au baile, dira non sans forfanterie le public averti. Elle avait dévoilé, l’an dernier, un instantané de sa création en cours, Ana Morales revient en toute logique présenter l’œuvre aboutie, Peculiar (11 janvier). Partant de la rigueur du flamenco, l’ancienne soliste du Ballet Flamenco d’Andalousie s’en affranchit avec une élégante fantaisie, habitée par une gestuelle épurée et nourrie de rencontres plurielles. Elle a choisi de s’entourer aussi bien d’une harpiste que de la voix de Tomás de Perrate, dont le cante profond descend d’une des grandes dynasties gitanes. Celui-ci est également à l’honneur de la soirée musicale accueillie à Paloma le 14 janvier. Il y présente son duo avec le musicien et compositeur Arbol, dans un registre plutôt avant-gardiste, entre purisme vocal et expérimentation sonore. Juste avant, le concert de Rosario la Tremendita devrait également surprendre. Mêlant électronique, électrique et acoustique à un engagement social et féministe, cette punkette de Triana apporte elle aussi sa pierre à l’histoire vivante du flamenco.
Comme Ana Morales l’an passé, c’est le chorégraphe David Coria qui déflore le processus de création de son prochain spectacle, Los Bailes Robados (12 janvier), à découvrir en intégralité en 2024. Amie de Pina Bausch, Eva Yerbabuena est une artiste flamenco à la carrière suffisamment convaincante pour être rangée parmi les figures de la danse. La cinquantaine passée, elle a eu envie d’interroger le regard que l’on pose sur elle, et de redécouvrir son corps, à travers le regard d’un autre. Pour Re-fracción (desde mis ojos) (17 janvier), elle confie au chorégraphe et metteur en scène Juan Kruz Díaz de Garaio Esnaola le soin de la révéler de manière inhabituelle aux yeux du public.

Trublions

Israel Galvan & Nino de Elche © Kana Kondo


Saut de génération et bifurcation esthétique avec Luz Arcas, étoile montante de la danse contemporaine qui revisite les codes du folklore espagnol. Sa pièce Toná (19 janvier) trouve son origine dans une histoire très personnelle. À l’annonce de la maladie de son père, elle revient dans la maison familiale où elle trouve icônes et objets oubliés, faisant resurgir des anecdotes mais aussi des peurs. Dans un voyage spirituel qu’elle conçoit avant tout comme un acte de liberté et de résistance, la chorégraphe et danseuse s’entoure de Lola Dolores et Luz Prado pour danser la mort et célébrer la vie.
Place aux géants. À deux marqueurs de la créativité contemporaine réunis, dans le champ chorégraphique pour l’un et le chant tout court pour l’autre. Israel Galván et Niño de Elche offrent enfin à Nîmes leur trublion Mellizo Doble (13 janvier), découvert à Avignon en 2020. Un spectacle décoiffant de liberté, de surréalisme, de folie. Et pourtant si intrinsèquement flamenco. Dans les dialogues comme dans les silences. Une œuvre dont on ressort à la fois conquis et assommé tant par son audace que par sa profondeur. Autre rencontre au sommet que celle d’Andrés Marín et Jon Maya, réunis pour Yarín (19 janvier). Le premier fait partie des pionniers de la vague rénovatrice qui secoue le flamenco, avant même Galván. Cela ne l’empêche pas de continuer à surprendre, pour preuve son Prix national de danse obtenu en 2022. Le second est aussi danseur mais de tradition basque. Leur crédo ? Revendiquer leurs racines, y puiser, les partager et les faire converger en un dialogue artistique universel.

Trio idéal

Rocio Molina – Vuelta a uno © José Alberto Puertas

Après Galván et Marín, il ne manquerait plus que Rocío Molina pour parachever le triptyque idéal de la révolution flamenca. Eh bien, Nîmes l’a fait ! Comment pouvait-il en être autrement puisque la chorégraphe danseuse de la province de Malaga est une fidèle du plancher nîmois. Et il n’y avait aucune raison qu’elle n’y présente pas Vuelta a Uno (15 janvier), ultime épisode de sa Trilogía sobre la guitarra dont elle a honoré le festival des deux premiers volets. Pour ce troisième dialogue complice avec un guitariste, Rocío Molina a choisi Yerai Cortés. Pièce plus exubérante et survoltée que les précédentes (Inicio en 2020 et Al Fondo Riela en 2022), Vuelta a Uno offre une scénographie baignée de couleurs vives, qui sublime les alegrías, tangos et autres bulerías.
Parmi les autres spectacles de danse programmés, notons celui d’Alfonso Losa (20 janvier), maillon entre maestros et nouvelle génération, ou encore la première mondiale de l’osé – et dénudé – The Disappearing Act (21 janvier) de la Noire et Britannique Yinka Esi Graves, qu’une grossesse trop avancée avait empêché de présenter l’an dernier. Ne passez pas non plus à côté de la sublime voix de Marina Heredia (18 janvier), grande cantaora originaire de Grenade, qui invite à un voyage à travers l’histoire et la géographie du chant flamenco. Et pour clôturer cette édition d’exception, le guitariste tout en nuance Rafael Riqueni pour Herencia (21 janvier), récital tiré de l’album éponyme, plusieurs fois primés.

LUDOVIC TOMAS

Festival Flamenco
Du 9 au 21 janvier
Divers lieux, Nîmes
04 66 36 65 10
theatredenimes.com

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