Zébuline. Le roman de Philippe Besson, Arrête avec tes mensonges, est paru en 2017. Quand avez- vous eu l’idée d’adapter ce livre ? Et pourquoi ?
Olivier Peyon. J’ai eu l’idée d’adapter le livre en 2016 ! Souvent les éditeurs envoient les livres avant leur parution, en particulier à des producteurs. Un producteur m’a appelé et m’a demandé si je voulais l’adapter ; je l’ai lu et j’ai trouvé très originale la rencontre entre l’écrivain et le fils de son premier amour. En gros, le roman se passe dans un café, à Bordeaux, puis à Paris. La rencontre est prétexte à des discussions, des souvenirs. Philippe Besson écrit toujours des choses très sensibles mais les codes littéraires et cinématographiques ne sont pas les mêmes. Il a fallu que je trouve un contexte, le monde du cognac, quelque chose qui puisse générer une action. J’ai rencontré Philippe Besson que je ne connaissais pas. Entre temps, le livre était devenu un best seller, jusqu’à 175 000 ventes. Je lui ai dit « votre roman est plutôt tourné vers le passé, moi je voudrais faire un récit au présent. » Et ça lui a plu.
Comment avez- vous travaillé avec vos co-scénaristes, Vincent Poymiro, Arthur Cahn et Cécilia Rouaud ? Philippe Besson est-il intervenu au moment de l’écriture ou à la fin ?
Philippe Besson m’a dit « les plus grandes trahisons font les meilleures adaptations ». J’ai eu à cœur des respecter l’esprit du roman ; j’ai inventé des personnages. Avec les scénaristes cela a été compliqué car j’ai changé de producteur. En fait, j’ai en grande partie écrit le scénario tout seul. Mon intention de départ était de développer la relation père/fils. Philippe Besson n’est pas intervenu mais comme le livre est une autobiographie, j’ai été très attentif. On est devenus amis, je lui parlais du casting, je me sentais responsable, et je le tenais au courant pour l’associer au processus. Il me racontait des anecdotes comme celle du pastis. J’ai lu tous ses romans et me suis renseigné auprès de son éditrice. C’est ma vision de Philippe Besson mais il s’est totalement reconnu dans le personnage de Stéphane Belcourt qu’incarne Guillaume de Tonquédec.
Pour incarner Stephane Belcourt, vous avez pensé à Guillaume de Tonquédec dès l’écriture ?
Non mais cela a été une telle évidence pour moi. Il lui ressemble pas mal et on a accentué la ressemblance par la coupe de cheveux, les lunettes et d’autres détails.
Comment cela s’est passé pour les deux jeunes acteurs, Jérémy Gillet et Julien de Saint Jean, qui ont eu des scènes de sexe pas évidentes à tourner ?
Ce sont des comédiens professionnels. On a fait un casting et cela a été long. Pour le casting, on voit les comédiens séparément. Puis on fait des répétitions pour former des duos. Pour eux, cela a été une telle évidence ! Ils sont devenus amis et ainsi cela a été plus facile de tourner les scènes de sexe. On a vraiment travaillé à trois. Ils avaient lu le roman qu’ils adoraient et avaient compris que ces scènes étaient importantes pour le film.
Et d’où vient l’idée du cognac Baussony ?
L’action se passe à Barbezieux qui est à 40 kilomètres de Cognac. Je voulais une unité d’action et dans le roman une phrase dit que les parents du jeune Thomas sont viticulteurs. J’avais fait un documentaire sur la maison Hennessy. Un milieu que je connaissais bien, une ville qui correspondait au milieu de province que décrit le roman. J’ai donc déplacé l’action ici. Hennessy nous a permis de tourner chez eux, une chance, dans leurs chais et même dans la maison historique de la famille qui n’avait jamais été filmée. Des décors assez beaux. Et j’ai inventé une marque, le cognac Baussony, plus provinciale et plus modeste qu’Hennessy, leader mondial du marché. La ferme des parents de Thomas n’a pas été facile à trouver. Lors de la visite, la fermière, une vieille dame très bavarde, me raconte des tas de choses, me montre la chambre de son fils, mort, me confie qu’elle avait rêvé d’être comédienne dans sa jeunesse, qu’elle adorait Jean-Paul Belmondo… Je lui ai donc proposé le rôle et Victor Belmondo (qui joue Lucas Andrieu, ndlr) a pris en charge toute la scène ; il lui a posé des questions sur sa vie : une scène improvisée. Cela a été un moment très fort du tournage, en particulier quand on atourné dans la chambre de son fils, mort, un lieu chargé d’histoire et d’émotion.
Vous avez aussi inventé un personnage qui n est pas dans le roman, Gaëlle, que joue Guilaine Londez.
Il y a dans le roman un thème très fort, le rapport à la province, et je devais l’incarner par un personnage, une problématique. Stéphane Belcourt a eu du mal à revenir dans sa ville qu’il avait fuie. Je voulais dire qu’on peut résister. Gaëlle dit « rester n’est pas forcément subir ».Guilaine est une grande comédienne à qui on donne souvent des rôles de cruche. Je voulais jouer avec son personnage pour aller ailleurs. Je voulais que le spectateur se retrouve face à elle comme Stéphane Belcourt face à Gaëlle et la découvre au fil du film.
Le sujet, l’homosexualité et le fait de faire son coming out, vous parait–il important à traiter en 2023 ?
C’est toujours difficile de faire son coming out. Pour un jeune, c’est même une épreuve. Il faut réfléchir plus que quelqu’un qui n’a pas à se confronter à la différence. C’est vraiment une épreuve de vie.
Quels sont vos projets ?
En 2021, j’ai écrit une bande dessinée, En toute conscience, (éditions Delcourt)sur l’euthanasie et le suicide assisté. J’ai suivi une association à Toulouse. Une histoire d’engagement. On suit un petit groupe de militants qui accompagnent les membres dans leur dernier voyage et revendiquent le droit d’aider tout le monde. Un jour, débarque une jeune de 20 ans qui veut mourir à la suite d’un chagrin d’amour. Sous prétexte de l’aider à mourir, ils vont lui redonner le gout de vivre. Je vais adapter cette bande dessinée.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNIE GAVA
Arrête avec tes mensonges, d’Olivier Peyon Sorti depuis le 22 février Olivier Peyon présentait son film en avant-première le 7 février au cinéma Les Variétés, à Marseille