La scène du Petit Duc, augmentée de ses retransmissions en direct sur la chaîne web du lieu, offrait en primeur les nouvelles créations de Tom Poisson (alias Jean-Michel Couegnas) dans une formule en trio toute neuve assortie d’une sonorisation semi-acoustique très fine permettant d’entendre les voix en acoustique et nimbant joliment les instruments de vibrations électro. Voici donc un spectacle « transmis en mondiovision par l’ORTF, ce qui décuple le trac », sourit le meneur du groupe qui esquisse les premières notes de Love me tender sur sa guitare mais se reprend vite, abandonnant Elvis à sa légende pour nous convier à un unisson initial sur lequel se tissent ses mots… « si la raison s’envole / si la pensée s’étiole… » ? Denis Piednoir, son complice et arrangeur s’empare indifféremment d’une guitare, d’un clavier, du chant, tandis qu’Alice Chiaverini module, scate avec légèreté, reprend à la tierce, dessine un contrechant. Les mots se posent sur les mélodies ou bien l’inverse, tant leur relation est en osmose. Le poète nous embarque dans ses voyages, « Sur la route / Je penche / Je doute / Dansons au vent qui nous entraîne / Je prends mon voyage / Je pèse mon bagage » … Le monde est le lieu des émerveillements, le départ n’induit pas une quête, mais un cheminement qui nous réconcilie avec la Terre au cœur d’une poétique des paysages, de la douceur de l’air. « Tu vas voyager / danser et sourire (…) / On ira tout droit / Visiter l’azur », sourit l’artiste pour consoler l’ami qui pleure. S’en aller n’est pas une fuite mais scelle nos retrouvailles avec un univers que nous ne voyions plus. On s’accroche au vent, on sent l’odeur du journal de vingt heures, on a l’impression d’être légers comme les nuages, on écoute les avis de tempête et on part, on part on part… où l’on veut. La liberté scande les paroles, nourrit le fil musical, s’autorise des détours espiègles, fait naître un bestiaire humoristique, goûte « l’ivresse du galop », s’italianise avec un accent tordant sur un tube de Ricchi e Poveri, donne un rappel sur l’un des thèmes de Grease, brise toutes les cages et s’envole. Il y a sans doute des « chansons qui meurent dans les bras de leur auteur » (in l’album se passer des visages), celles de Tom Poisson nous suivent et nous accompagnent, familières d’emblée et d’une délicate poésie.
MARYVONNE COLOMBANI
Concert donné le 4 février, au Petit Duc, Aix-en-Provence.