mardi 30 avril 2024
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L’Éden : de l’inconfort au cinéma 

Dans le cadre froid d’une prison à ciel ouvert, le premier long métrage d’Andrés Ramírez Pulido peint une jeunesse colombienne délaissée et violente

Au milieu de nulle part, dans la forêt tropicale, des adolescents vêtus de la même tenue verte, travaillent, nettoyant ce qui a dû être une piscine. On les voit ensuite psalmodier une prière sous la houlette d’un adulte. Où est-on ? Pourquoi sont-ils là ? On va le savoir dès l’arrivée de nouveaux garçons, venant de différentes prisons de Colombie. C’est un centre de détention pour mineurs délinquants, encadrés par Alvaro (Miguel Viera) qui croit à la vertu de séances de yoga et de prières chamaniques pour les « sauver ». Ils doivent travailler dur à la restauration d’une ancienne hacienda et le garde chiourme Godoy (Diego Rincon) y veille. 

Parmi eux, le taiseux Eliú (Jhojan Estiven Jimenez) qui, ayant voulu s’attaquer à son père, sous l’emprise de la drogue, a tué un autre homme, l’Invisible, dont on n’a pas retrouvé le corps. Eliú semble prêt à laisser « la terre absorber ce qui est négatif », ce que martèle Alvaro chaque jour. L’arrivée dans le camp de son ancien complice, El Mono (Maicol Andrés Jimenez Zarabanda), va le faire replonger dans ses démons. Car El Mono, remplissant un formulaire, se définit lui-même comme « voleur, escroc, bandit, assassin, toxicomane et criminel » et ne croit à aucune rédemption.

Une histoire de génération

L’Éden d’Andrés Ramírez Pulido n’est pas un film confortable avec sa palette chromatique sombre, ses plans de nuit. Dans cette prison à ciel ouvert, les corps adolescents s’épuisent à abattre des arbres, à débroussailler. Nul sourire sur ces visages fermés. Ces adolescents qui n’ont connu que misère, drogue, coups dans leur propre famille, comment pourraient-ils croire à ce « nouveau foyer » que leur propose Alvaro. « Dans cette vie, il faut être prêt à perdre ou à gagner. C’est la base ! », dit El Mono. Eliú peut-il gagner ? La caméra du directeur de la photo Balthazar Lab, qui éclaire magnifiquement le visage de Jhojan Estiven Jimenez, permet d’espérer pour le personnage qu’il incarne avec une grande justesse, un voyage vers la lumière.

Et au réalisateur de préciser : « L’Éden est l’histoire d’un adolescent et à travers lui de toute une génération qui entretient une relation de haine et de mort avec leurs pères, une génération abandonnée qui, sans s’en rendre compte, s’inscrit dans un cercle de violence héritée. Comment un enfant peut-il se détacher d’une violence imprégnée dans sa nature ? Comment se débarrasser de ces héritages immatériels de nos parents qui nous hantent chaque jour ? »

ANNIE GAVA

L’Éden, d’Andrés Ramírez Pulido 
En salle depuis le 22 mars
Le film a obtenu le Grand Prix de la 61e Semaine de la Critique et le prix SACD. 
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