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Un espoir libanais

Dans L’amour comme un empire, Yasmine Char dresse le portrait d’une directrice de théâtre passionnée, dans le Liban des années 2010, entre optimisme et difficultés

L’histoire, la grande et la petite, se passe dans le Beyrouth contemporain. Celui d’avant l’explosion du port, dans son lien particulier avec la France, sa langue et sa culture, et son relent colonial : « ce pays sans foi ni loi », où « chacun invente son propre fonctionnement ». Line, la narratrice, est la directrice du théâtre de Beyrouth. Elle le considère comme un lieu dédié à la parole publique, doté d’une mission humaniste et démocratique, expression de l’altérité et de la résistance. Le choix du théâtre comme lieu de l’action peut relever d’une mise en abyme, dans un Liban qui est le « théâtre » de guerres et de troubles, un Liban qui se tient et se contient comme il le peut, entre Israël et Syrie, guerre et paix. Les questions de la vérité et du mensonge, de l’apparence et de l’authenticité, voire de l’innocence, y sont posées, insistantes et cruciales.

L’amour est, en référence au titre, ce qui anime la narratrice. Un amour aussi bien universel que passionnel. Il se cristallise en un projet, véritable centre de gravité du roman : donner la parole sur scène à un trio de migrants syriens. Ils sont invités à y raconter leur histoire, point de départ d’un dialogue avec les autochtones, favorisant l’intercompréhension, ce sel de l’espérance, sinon de l’espoir. Amour et projet possible ou impossible ? Telle est la question que se pose le lecteur, de chapitre en chapitre. Ces derniers épousent le déploiement de la pensée, au plus près de l’intimité et de la conviction de la narratrice. 

Un support de réflexion

Ce projet et cette passion font naître cet « empire » signalé par le titre, au sens d’une force qui s’exerce sur Line, et auquel elle ne peut résister. Il peut également être considéré comme un espace dans lequel pourrait régner la paix et la fraternité. Cet empire est à la mesure et la démesure de cette femme debout, libre, actrice solitaire du quotidien.

L’écriture est ciselée, faite de phrases courtes et haletantes, pour l’action, longues et sinueuses pour la narration. Des ponctuations finales, de chapitre en chapitre, claquent comme des affirmations, définitives, voire des proverbes, des bribes de poèmes, qui arrêtent et densifient la lecture : « Le Liban pue et toi, tu rêves de la grande danse de la fraternité » ; « L’important n’est pas l’histoire, mais comment on se la raconte », etc.

L’ensemble du roman se lit comme une philosophie de vie, une quête de sagesse, sans pathos ni emphase, mais concrète et à l’échelle d’un individu. Ce dernier, incarné par Line, ne fuit pas ses responsabilités, mais tente de mettre en cohérence pensées, paroles et actes, et de les ajuster aux situations. Ce troisième roman de Yasmine Char est un support de réflexion précieux. Il permet d’identifier sans les simplifier les ressorts les plus troublants et douloureux de notre temps.

FLORENCE LETHURGEZ

L’amour comme un empire, de Yasmine Char
Gallimard, collection Blanche – 20,50 €
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