mercredi 2 octobre 2024
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Mâle du siècle

« Ne pensez jamais qu’un homme est autre chose qu’un sexe en quête de plaisir. » Cette sentence parmi d’autres éhontées Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé devrait nous alerter. Mais parce qu’elle émane d’un Frédéric Beigbeder affable, d’autant plus convaincant qu’il admet volontiers ses limites et excès, et d’autant plus pernicieux qu’il sait se montrer charmant et déférent, elle ne provoque pas le scandale attendu. La bienveillance, ou du moins la mollesse de l’accueil fait à ce pensum a de quoi déconcerter. Elle abasourdit lorsqu’elle provient de professionnelles des médias, promptes au rire complice et à la réprobation enjouée lorsqu’une petite piqûre de rappel sur les amitiés questionnables de l’auteur, notamment avec Gabriel Matzneff, s’imposerait. L’auteur quinquagénaire, venu vanter les bienfaits du catholicisme et questionner jusqu’à l’existence du patriarcat, n’aurait-il rien perdu de son charme légendaire ? Ce n’est pas ce dont de nombreux témoignages, faits pour la plupart à visage découvert, viennent attester. On y entrevoit plutôt une conception de la séduction que l’on croyait disparue avec #metoo : celle qui ne distingue pas lieu de drague et rencontre professionnelle, celle qui, du propre aveu de l’auteur, « scanne comme un rayon X » chaque femme croisée, en toutes circonstances. Sous le vernis glamour de la rive gauche parisienne, on n’est jamais pas très loin des grognements d’un Gérard Depardieu.

Sortir du silence
Il en aura cependant fallu du temps, pour dire l’ampleur des violences auxquelles le bien-nommé monstre du cinéma français a confronté de nombreuses victimes. Tout était pourtant déjà là, sous nos yeux : cette plainte déposée en 2018, volontiers disqualifiée par la profession, malgré des captations vidéo ; ou encore cet extrait du making-of des Fugitifs, où l’acteur s’empare d’une maquilleuse pour l’embrasser de force. Rares sont ceux qui avouent avoir eu connaissance de tels agissements, ou avouent avoir préféré se taire. On devine qu’ils sont pourtant nombreux. Et on espère qu’ils ne sont, eux aussi, que les vestiges du temps d’avant. Et non pas les prémices d’un retour à l’ordre se faisant pourtant prégnant : dans la pseudo-littérature branchée comme dans notre cinéma ; dans la culture pop comme dans l’intime et le commun. 

SUZANNE CANESSA

Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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