Le Mucem fête ses dix ans et pour célébrer l’anniversaire, une année entière sera rythmée par autant de rendez-vous. Soit, de juin 2023 à juin 2024, dix occasions pour le public de venir ou revenir dans les divers espaces du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Car, promet Pierre-Olivier Costa, son nouveau président, tout sera désormais entrepris afin de mettre les visiteurs au cœur du projet muséal. Ils sont nombreux à s’être pressés dans la cour pavée du fort Saint-Jean, avoir humé les plantes puissamment parfumées du jardin des Migrations, admiré les altières passerelles ou la résille en béton conçue par Rudy Ricciotti. 1,2 millions de personnes cette année, ce qui en fait « le seul musée national à avoir retrouvé sa fréquentation d’avant Covid ». Pour autant, seulement un tiers pénètrent dans les salles d’expositions, et sur ce tiers, une sur-représentation des catégories socioprofessionnelles supérieures est révélatrice d’importantes barrières culturelles. « Cela ressemble trop aux musées parisiens » observe le président, décidé à changer sensiblement la sociologie des visiteurs, en attirant ceux qui ne sont pas familiers des lieux, de sorte qu’elle soit plus conforme à celle du territoire.
Attractions populaires
Les dix propositions de l’année anniversaire ont été pensées en ce sens. Le week-end d’ouverture, du 3 au 4 juin, promet des plaisirs variés : une marionnette monumentale, des projections humoristiques, contes, chants a capella, concerts, chorégraphies, lectures, jeux de pétanque et baby foot… Mais aussi un spectacle pyrotechnique du Groupe F, visible de bien loin, et pas moins de trois bals pour la clôture dimanche soir, chacun avec son ambiance, balèti, hip-hop ou raï. En novembre 2023, les enfants âgés de 10 ans issus de tous les quartiers de Marseille seront invités pour une grande boum, et au printemps 2024, de nombreux moments ludiques seront proposés en écho aux expositions, notamment Populaire ?, sur les objets du quotidien, et Images de la Méditerranée, évoquant les imaginaires multiples nés dans le bassin des civilisations antiques.
Autre volonté de Pierre-Olivier Costa, inverser le pourcentage d’œuvres issues de ses propres collections dans les expositions du Mucem, héritier du Musée national des arts et traditions populaires. Puiser dans ses riches fonds, pour valoriser les « objets qui ont façonné nos existences » lui semble gage d’une meilleure accessibilité. Ce sera aussi certainement moins cher que les prêts internationaux.
GAËLLE CLOAREC
Des valeurs à mettre en pratique
Pierre-Olivier Costa va devoir, au sein de son établissement, répondre aux salariés d'un prestataire, le groupe Pénélope, qui en assurent les missions d'accueil, contre une rémunération au ras des pâquerettes. Lors de la manifestation du 1er mai dernier, plusieurs d'entre eux brandissaient des pancartes dénonçant précarité et déontologie discordante : « Le Mucem nous exploite-t-il de plus en plus ? », pouvait-on y lire, ou encore « Conférences féministes & dress code sexiste pour les privat', WTF ? »
Afin de gagner en cohérence, il faudrait réussir à faire respecter en interne les valeurs d'un musée de société tel que le Mucem. Mais aussi, comme nombre de structures de conservation, s’interroger sur les partenariats privés qui financent une part de son budget : s'afficher avec des multinationales polluantes passe de plus en plus mal auprès du public. « Je n'ai pas vocation à changer le monde économique et industriel, répond le président, quand on lui demande ses intentions à ce sujet, mais recycler le matériel d'exposition, et le choix de nos thématiques, sur la biodiversité par exemple, peut aider à faire bouger les choses ». Cela suffira-t-il ?
G.C.
Tour d’alphabet
Voici venu le dernier Abécédaire : depuis cinq ans, la salle des collections au fort Saint-Jean accueillait tous les six mois une sélection d’œuvres issues des fonds du Mucem, en un parcours de A à Z. La première thématique fut L’Amour, en 2018, et Les Maternités va clore le dispositif. Un sujet proposé par la commissaire Caroline Chenu, qui tient à son pluriel : « Le “s” en dit la diversité, qu’il y ait enfantement ou pas ». Le rapport à la mère nous concerne tous, insiste-t-elle, « c’est pourtant assez peu traité dans les musées, et le plus souvent, par des hommes ». Pour la lettre A, comme abandon, allaitement, allocations, aliénation, avortement ou adoption, elle a retenu l’ « Annonciation ». Pour le B, « Berceau » (il y en a 115, en bois, dans les réserves). Le D correspond au « Désir d’enfant », illustré par des ex votos en argent, dont l’un, ample ventre de femme enceinte réalisé par un artisan napolitain au XIXe siècle, évoque l’espoir et la foi dans les sociétés traditionnelles. Q, le « Qu’en dira-t-on », s’appuie sur les clichés visant vieilles filles et filles-mères, ornements d’assiettes en faïence produites en Moselle vers 1860. Le T, c’est la « Tendresse », peinte par une artiste contemporaine, la féministe kurde Zehra Dogan. Et ainsi de suite jusqu’aux lettres difficiles de fin d’alphabet, notamment le X, comme accouchement sous X. Être mère ou ne l’être pas, telle est la question.
G.C.
Les Maternités de A à Z
Jusqu'au 2 octobre
Mucem, Marseille
04 84 35 13 13
mucem.org