Zebuline. Qu’est ce qui a déclenché le contentieux juridique vis-à-vis du propriétaire du lieu il y a sept ans ?
Hubert Colas. En 2016, on s’est retrouvé avec un renouvellement de bail qui n’était pas celui que nous avions signé au préalable en compagnie du Grim et de Jean-Marc Montera [co-fondateur de Montévidéo, qui fait plus partie du projet aujourd’hui, ndlr]. Et ce nouveau bail ne nous a pas semblé conforme à la situation dans laquelle on était (bail civil au lieu d’un bail professionnel), il permettait au propriétaire de nous demander de partir. Donc on l’a dénoncé. Notre démarche a permis de faire placer Montevideo sous « l’ordonnance 1945 », qui dit que les lieux culturels, et notamment les théâtres, ne peuvent pas être réaffectés sans l’accord du ministère de la Culture. Et d’ouvrir un dialogue avec le propriétaire et les institutions pour réfléchir dans un temps calme et posé à l’avenir du projet. Chose qui n’a pas vraiment pu exister. Avec la Ville, sous la précédente municipalité, la possibilité de déplacer le lieu a été évoquée : deux espaces sur le périmètre d’Euroméditerranée (un à côté des ateliers Jeanne Barret, l’autre dans une ancienne savonnerie) auraient pu convenir, notamment pour toute la partie résidence d’artistes. Mais finalement la municipalité a souhaité que l’on reste à Montévidéo. La situation s’est ensuite engluée dans un attentisme permanent. L’ensemble des institutions a laissé courir le temps de la procédure jusqu’à son terme, en avril dernier, où le pourvoi en cassation a été rejeté.
Aujourd’hui le propriétaire peut vous demander de partir à n’importe quel moment. Il le fait ?
Pour l’instant, le propriétaire cherche un acquéreur, que ce soit un acquéreur public ou un acquéreur privé. Je ne suis pas dans sa tête, mais je pense qu’il souhaite trouver une solution au plus vite, et nous aussi. Il est un fait que dans les jours ou dans les semaines qui viennent, (l’été est là, avec ses périodes de vacances, on peut craindre de retrouver des scellés sur la porte à notre retour…) il pourrait nous envoyer un huissier, pour nous stipuler de partir.
Quelles sont les perspectives ?
Si la Ville achète le bâtiment, ça rentre dans les prérogatives de normalisation de sécurité des bâtiments publics, les normes de la Ville s’imposeraient, et la totalité des travaux devraient être faits. Mais aujourd’hui, hormis l’organisme qui est la Sogima (société de gestion immobilière de la ville de Marseille) qui pourrait racheter le lieu, et nous garder à l’intérieur, la Ville ne souhaite pas racheter Montévidéo. L’autre solution serait de voir la capacité d’emprunt de Montévidéo, qui malheureusement n’est pas forte, et qui impliquerait de plus, dans un second temps, un autre apport d’argent, de 20%, sur les investissements. Aujourd’hui, Montévidéo est sous-doté financièrement (300 000 euros environ), par rapport aux exercices que nous menons ici, tant sur le festival actoral que sur Montévidéo, que sur ma Cie Diphtong, pour pouvoir envisager un apport conséquent en cas de rachat. Donc on cherche des apports privés, ou d’autres possibilités de regroupement, ou de fondations. En sachant que si nous arrivions à être acquéreurs, un étalement des travaux serait possible.
L’hypothèse d’une relocalisation de Montévidéo est définitivement abandonnée ?
J’ai ouvert la possibilité d’un dialogue de relocalisation de Montévidéo à la Cômerie [ancien couvent très proche de Montévidéo, investi depuis trois ans par un projet de centre d’art et de culture, piloté par Hubert Colas, ndlr]. Certes, il manque une salle, mais cette salle pourrait être construite dans une économie d’échelle similaire à l’achat de Montévidéo. La Cômerie est un bâtiment public, c’est une chose que j’ai mise sur la table, mais qui n’a pas été retenue. Donc pour l’instant, nous sommes dans l’attente d’une décision qui sauvera le bâtiment dans lequel nous sommes aujourd’hui.
Il va y avoir une réunion le 5 juillet prochain : qui sera autour de la table ?
Il y aura l’ensemble des collectivités territoriales, la Drac, la Région, le Département et la Ville, suite à la réunion du 5 juin, au cours de laquelle il nous a été demandé un certain nombre de remises à niveau des devis d’investissement du lieu en cas de rachat. En sachant qu’effectivement, depuis six ou sept ans, le bâtiment vit comme il est, avec peu de moyens. Il y a des rénovations très simples à faire, des chambres des résidences d’artistes, des toilettes, des choses comme ça, mais aussi, ce qu’on attend depuis longtemps, une remise en état de la sécurité du bâtiment, pour un accueil plus grand du public. Montévidéo aujourd’hui ne peut accueillir que de toutes petites formes, avec une jauge restreinte. Ce qui bloque notamment la possibilité d’une billetterie plus importante, et les possibilités de location de l’espace. On est parfaitement conscient qu’il y a aujourd’hui une nécessité pour les associations culturelles de trouver des fonds parallèles aux subsides des différentes collectivités territoriales. Et nous le faisons depuis le début, que ce soit avec la fondation Pernod-Ricard, ou avec d’autres fondations, ou avec des centres internationaux, qui nous aident.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARC VOIRY