mercredi 2 octobre 2024
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Une Carmen habitée et féminine aux Chorégies d’Orange

Porté par une grande Marie-Nicole Lemieux, l’opéra de Bizet a été donné avec force, inventivité et une apparente légèreté

Particulièrement attendue, l’unique représentation de la Carmen mise en scène par Jean-Louis Grinda au festival des Chorégies d’Orange ce 8 juillet s’est très vite remplie, de même que sa générale du 6 Juillet. Si bien que l’on pourra regretter qu’elle ne se décline que sur une date, là où la moindre des cinq dates prévues à Marseille avait affiché complet. Et ce sans pouvoir se vanter d’une distribution aussi superlative : l’immense Marie-Nicole Lemieux valant à elle seule le déplacement. On se souvient de l’amertume de celle qui, acclamée dans ce rôle en version de concert, affirmait ne pas avoir le physique gracile et aguicheur recherché par des metteurs en scène souvent libidineux. Les temps ont changé, et force est de constater que la rencontre entre la mise en scène assez sage du directeur du festival et la contralto idéale pour le rôle fait des merveilles.

Regard vif

Cette Carmen-là ne racole pas : sa séduction se situe ailleurs, dans une sensualité et une gourmandise que laisse deviner son phrasé impeccable et son timbre chaud, d’une beauté à se damner. L’alchimie avec le Don José idéal de Jean-François Borras est évidente : quelque chose de l’enfance se joue entre ces deux-là, jusqu’au déploiement même de la violence, que la mise en scène n’occulte jamais, jusqu’à un final un peu décevant, en regard de l’acuité du regard déployé jusqu’alors. L’âme de Carmen, incarnée par la danse flamenco de la très douée Irene Oliveira, danse au rythme d’une musique d’une inventivité décidément inégalée.

L’Orchestre national de Lyon, les Chœurs des Opéras Grand Avignon et de Monte-Carlo et surtout la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon brillent sur ces envolées bien plus techniques et ardues que leur apparente légèreté ne le laisse paraître. Il faut dire que les troupes peuvent compter sur la direction proprement excellente de la cheffe napolitaine Clelia Clafiero, qui avait déjà fait merveille sur la dernière marseillaise. Les choix audacieux de tempi et les jeux de nuances non moins périlleux fonctionnent tous sans faille, puisque portés par un sens du phrasé, de l’écoute du plateau et une vision limpide du propos.

Suzanne Canessa

Carmen a été donné le 8 juillet au théâtre antique d’Orange, dans le cadre des Chorégies.

Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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