Dans ce troisième disque, paru sous le label Mirare, le pianiste se penche sur les inventions formelles de compositeurs aussi divers que Bach, Brahms, Fauré, Reynaldo Hahn (avec Mignouminek en premier enregistrement mondial), Ohana, Rachmaninov ou Alkan.
La Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov contredit la tradition de l’opus soliste -mais n’est-ce pas le propre du caprice ?-, cette pièce concertante réunissant autour du pianiste le Sinfonia Varsovia dirigé par Aleksandar Marković. Leur dialogue nourri sait traduire l’espièglerie autant que la mélancolie qui traverse l’œuvre et rend la succession des 24 variations avec une éloquence qui semble parfois improvisée tant le ton en est juste.
Le thème du Dies Irae que l’on retrouve dans cette pièce est sans doute une référence à la légende qui voudrait que Paganini ait vendu son âme au diable contre sa virtuosité exceptionnelle et l’amour d’une femme…
En écho, les Variations sur un thème de Paganini opus 35, livre 1, de Brahms, éblouissantes et techniquement redoutables -Clara Schumann les qualifia de « variations de sorcier »-, dressent leurs falaises dont l’instrumentiste se joue avec aisance, laissant percevoir la fraîcheur et la légèreté d’un conte.
Infinité d’analogies et d’hommages
Le Caprice sur le départ de son frère bien-aimé de J.S. Bach endosse un ton narratif : attristé par le départ de son frère, il composa cette œuvre en guise d’exutoire. Elle suit toutes les étapes de la préparation au voyage pour la Suède où Johann Jacob devait intégrer la garde d’honneur du roi Charles XIII en tant qu’hautboïste. Les histoires personnelles interfèrent…
Nathanaël Gouin aborde aussi des pièces de Maurice Ohana : le Caprice n° 1, clin d’œil au legs que Jean-Claude Pennetier, maître de l’artiste, les Préludes, qu’il avait travaillées avec le compositeur.
De même, le peu connu Charles-Valentin Alkan, qu’il qualifie de « Liszt français » a toujours séduit l’interprète par son « humour et sa profondeur ».
L’« infinité d’associations » sur le thème du caprice offrait un champ large à ce poète du piano qui rend hommage au regretté Nicolas Angelich auquel l’opus est dédié, et à « son si communicatif amour de la musique de Johannes Brahms ».
Un disque très personnel, poétique, inspiré, profond et enjoué !
MARYVONNE COLOMBANI
Caprice, Nathanaël Gouin,
label Mirare, 20€