mercredi 2 octobre 2024
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessous
AccueilNos critiquesDanser du regard 

Danser du regard 

Triptych, par la compagnie de danse Peeping Tom, s’applique à mettre en scène, en format cinéma, les strates des émotions enfouies

Représenté au Théâtre des Salins à Martigues, le spectacle Triptych de la compagnie Peeping Tom affichait déjà complet bien avant la première. Dans un paysage chorégraphique contemporain où dominent le dépouillement et l’abstraction, la compagnie belge tranche par un retour assumé à une certaine narrativité, à des effets de surprise, changements à vue inspirés du théâtre ou des décors hyperréalistes qui évoquent un plateau de cinéma.

Rêves troublés

En trois parties, (The missing door, The lost room et The hidden floor), les huit interprètes montrent des corps émus dans des lieux eux-mêmes toujours voués à l’énigme. Un couloir, une chambre à coucher, le carré d’un navire, un restaurant abandonné, tous découpés en vue de 3/4, y sont le terrain d’un jeu qui évoque parfois l’enquête, et cachent sous leur banalité apparente une logique non-euclidienne proche du fantastique ou du cinéma d’épouvante d’un Lynch ou d’un Hitchcock. Les portes s’y dérobent, comme dans un jeu de chausse-trappe, le couloir devient un balcon, un ascenseur, ou une penderie peuplée de corps, tandis que l’eau inonde le plateau, ou qu’une tornade souffle au dehors.

« Peeping Tom » (qui désigne en anglais le « voyeur ») excelle aussi à suggérer le caractère furtif du regard sur ce que, peut-être, on ne devrait pas voir. Une scène de crime originelle qui ne trouve jamais son élucidation. Des suicides faits pour de rire. L’intimité d’une chambre à coucher bientôt détournée en jeu dérisoire. Et, comme dans les souvenirs ou les rêves troublés qui ne forment jamais récit, se succèdent les tableaux vivants où les danseurs surgissent, se confrontent, roulent, s’aiment le temps d’un duo amoureux, véritable acte de résistance face aux forces de la nature… avant de chuter au sol. Un mélange de nostalgie mélancolique, de grâce et d’humour noir dont on savoure la beauté rémanente encore longtemps.

JULIA BUREAU ET ÉTIENNE LETERRIER

Triptych a été donné les 16 et 17 novembre aux Salins, scène nationale de Martigues.
ARTICLES PROCHES

Les plus lus