Zébuline : Vous présentez Versus comme « un duo pour quatre interprètes ». C’est-à dire ?
Michel Kelemenis. Mon sous-titre exact c’est « un duo d’aimants à quatre corps ». J’ai eu le désir d’interroger le duo, mais l’une des particularités du spectacle vivant, c’est que dès lors que l’on met deux personnes en présence, c’est déjà un duo. Alors qu’on ne travaille pas sur la notion de duo, on travaille sur la rencontre de ces deux personnes. Moi je voulais aborder cette figure vraiment dans une préoccupation de chorégraphe. L’idée étant de mettre en perspective, à travers des notions de substitution permanente, une écriture qui va les concerner tous, mais qui se révèle toujours en duo. Ça semble un peu abstrait, mais en réalité c’est très immédiat, dans la perception. J’ai donc travaillé sur cette notion de duo, et d’aimants. « Aimant » étant pour nous en français un terme double, qui évidemment parle de gens qui s’aiment, et qui parle aussi de l’aimant magnétique, où est en jeu le fait de se repousser, de s’opposer ou de s’attirer.
Quel dispositif scénographique avez-vous imaginé pour cette pièce ?
C’est un espace qui est petit, 5m x 5m, 25m2, que les quatre danseurs, deux femmes, deux hommes, vont habiter à peu près en permanence, il n’y a pas de développement qui isole les uns par rapport aux autres. J’ai créé cette image en moi pour travailler : les yeux des spectateurs tout autour seraient l’équivalent des murs d’une chambre d’hôtel, qui voit défiler en permanence du récit de rencontres, qui vont avoir plein de textures différentes. Une sorte d’éternité en déroulement. Ceci amène beaucoup d’obligations pour respecter cette distance et cette présence. Au regard de ce que j’aime moi dans la danse, je me suis refusé à ce que « petit espace -proximité » se traduise par « petits gestes d’intimité ». Donc c’est vraiment une danse de déploiement que je mets en scène, en offrant aux spectateurs de voir les danseurs dans ce déploiement d’une manière qui leur est d’habitude un peu interdite, car le rapport scène-salle éloigne forcément le danseur du spectateur.
Comment avez-vous travaillé sur la musique ?
J’ai travaillé avec ce même musicien qui accompagne le Magnificat de JS Bach, et c’est la quatrième production après Coup de grâce et Légende pour laquelle je fais appel à lui, Angelos Liaros-Copola, qui est un musicien d’origine grecque, mais qui travaille sur la scène berlinoise, avec des petits labels électro. Il y a dans sa musique une sorte de double-entrée, qui est d’être en même temps très en tension, voire un peu noire parfois, un peu inquiétante, et d’un autre côté, une dimension très lumineuse, une sorte de lumière qui s’ouvre dans ses sons, qui pour moi apparaît plus comme son versant grec d’origine. Je lui ai demandé de créer un environnement qui serait l’environnement des spectateurs et des danseurs, comme le brouhaha qui se trouverait en quelque sorte autour d’un lieu, dans lequel va se dérouler cette somme de récits de rencontres, à travers la substitution des danseurs, deux par deux.
Entretien réalisé par MARC VOIRY
Versus
Du 9 au 12 janvier
KLAP, Maison pour la danse, Marseille