Écrit et interprété par Valérie Paüs, Crache ! tisse un dialogue dialogue intérieur où des bourrasques créoles bousculent le bon français.
Une jeune comédienne quitte la métropole pour rejoindre la Réunion de son enfance. A la fois quête d’un langage originel et chronique d’une passion pour les grands textes, Crache ! tient de la confession, enrobée dans un crescendo oratoire, au fil duquel s’agrègent désarrois intimes et appétit de la déclamation.
Zébuline : Peut-on définir Crache comme un spectacle à la première personne ?
Valérie Paüs : Absolument, j’ai grandi à la Réunion, j’y ai effectué mes études, dont un doctorat de littérature et une classe-théâtre. Puis j’ai décidé de poursuivre ma formation d’actrice à Avignon. Je suis venue au théâtre par la langue française académique, les grands auteurs, avec une passion particulière pour Racine. Mais, peu à peu, je me suis focalisée sur la littérature réunionnaise et les récits créolophones. C’est ce va-et-vient passionné entre deux langues et ma difficulté à parler le créole d’une façon libérée, que je tente d’exorciser dans le spectacle.
Dans Crache ! l’on découvre l’autrice.
En bonne étudiante littéraire, j’étais persuadée d’être incapable d’écrire quoi que ce soit. Puis je me suis dit qu’il fallait en finir avec cet a priori. Lors d’un stage d’écriture animé par Ricardo Montserrat, j’ai ébauché un texte sur l’écriture réunionnaise, que j’ai développé durant le confinement.
Crache ! se déroule durant un voyage en avion.
C’est le cadre fictionnel. D’Avignon, je retourne à La Réunion. Dans les airs, les souvenirs ressurgissent, de même que mes empêchements vis à vis du créole. Je suis entourée de plaques réfléchissantes qui déforment les reflets donc l’identité. Les masques, chaussures vont dans le même sens. Les plantes en pot symbolisent l’exotisme à bon marché.
Le récit a un côté Jekyll et Hyde, sans la fantasmagorie…
Il y a de ça. Le rapport au français m’a un peu policée. Le désir de bien parler, sans accent, a gommé ma part créole, plus terrienne et viscérale. J’essaie de montrer un corps qui se libère par les mots et le théâtre. C’est un texte que je joue et qui parle de moi. On peut parler de catharsis.
A quel moment est venu l’idée de porter vous-même le texte au plateau ?
Elle a émergé durant l’écriture, jusqu’à devenir une nécessité autour de mes questionnements mais aussi mon plaisir à dire le français, le créole et à manier la langue, l’organe, d’où le sous-titre, Physiologie d’une langue encombrée.
Entretien réalisé par Michel Flandrin
Crache ! physiologie d’une langue encombrée Texte, mise en scène et jeu Valérie Paüs Le 2 février à L’Entrepôt, Avignon Le 10 février à L’Astrolabe, Sorgues Les 6 et 7 avril au Théâtre des Sabliers, Orange