Zébuline. Votre début d’année est particulièrement marqué par la création – trois en l’espace de quatre mois !
Marie-Josèphe Jude. Voilà une bonne dizaine d’années que j’ai la chance d’accompagner la création contemporaine par différents biais, toujours avec la même joie. C’est évidemment très intimidant… Mais entrer pour la première fois dans le langage, dans l’inconscient d’un compositeur est un sentiment incomparable. En tant que pédagogue, j’encourage toujours, dès le plus jeune âge, mes élèves à se frotter à la musique d’aujourd’hui et à ne pas se concentrer sur une musique dite « de répertoire » sanctuarisée. Car la musique contemporaine a rarement été aussi accessible. Il semble enfin révolu, ce conflit entre deux musiques tenues pour antinomique : l’une, avant-gardiste et difficile d’accès, particulièrement ardue à interpréter et disparue peu après sa création, et l’autre, portée par la seule sensualité, mais soupçonnée d’un certain manque d’exigence… Et tant mieux ! De même que celui où les compositrices semblaient exclues de l’équation : on voit aujourd’hui éclore sur le devant de la scène, au même titre que de jeunes cheffes, de très jeunes femmes passionnantes, telles que Florentine Mulsant, ou Élise Bertrand, entendues aux Victoires de la Musique.
Votre collaboration avec Musicatreize est très ancienne. Elle s’est nouée justement autour d’un compositeur alors tenu pour inclassable, Maurice Ohana.
C’est en effet avec lui que tout a commencé ! Maurice Ohana était un compositeur particulièrement généreux, et le jouer se révélait toujours enrichissant. Contrairement à certains compositeurs ou compositrices qui ont une idée très précise de ce qu’ils attendent, il considérait que chaque interprète et chaque interprétation enrichissait son œuvre, et le surprenait agréablement. J’apprécie par ailleurs tout particulièrement les opportunités, rares, de travailler avec un chœur : en tant que pianiste, nous accompagnons souvent des solistes. Mais se préparer à accompagner un chœur, surtout sur une création, laisse une plus grande place à l’imagination et à l’oreille. Moi qui, d’habitude, chantonne la partie chantée au-dessus de ma partie pour me faire une idée, je me prépare à être surprise le jour des répétitions ! Au même titre que les chanteurs et chanteuses qui, souvent, n’ont pas pu lire ou entendre la partie de piano. Nous partons ensemble à la découverte de l’œuvre !
Que pouvez-vous nous révéler de l’œuvre de Frédéric Schoeller qui sera créée ces 13 et 14 mars ?
La parenté avec une musique de tradition française est évidente, et il a été très bien vu de le programmer en compagnie de Fauré et de Poulenc. Son goût de la transparence, de la demi-teinte me rappelle Ravel ou Debussy, cet univers doux et enveloppé de pédale … C’est une musique qui rappelle à quel point le contact entre piano et voix peut s’avérer exaltant : nous avons tout à apprendre des chanteurs et chanteuses, de leurs intonations, de leur souffle, de leur naturel… De la vérité de leur phrasé, toujours !
SUZANNE CANESSA
Marie-Josèphe Jude et l’Ensemble Musicatreize
13 mars
Pôle Chabran, Draguignan
14 mars
Salle Musicatreize, Marseille