Un homme, une femme, un huis clos. La pièce de Carole Fréchette a de quoi séduire les compagnies qui croient encore aux textes dramatiques, ceux qui déroulent des situations entre des personnages qui dialoguent, derrière le quatrième mur de la fiction. Nécessitant peu de moyens, en dehors du talent des comédiens et de la mise en scène, le texte de la dramaturge canadienne est souvent monté dans de petits théâtres, et embarque les spectateurs dans ses tensions et son histoire, à rebondissements.
Portés par la mise en scène d’Henri Fernandez, qui joue des lumières et des sons pour faire surgir la rue et les espaces narratifs dans le petit appartement où le drame se noue, les deux acteurs s’affrontent. Solène Castels joue la princesse hystérique, jusqu’à l’agacement, Alexis Pottier le cynisme brutal, jusqu’à l’effroi. Car une sensation étrange persiste face à cette histoire de couple qui n’en n’est pas un : il est là pour l’argent, elle l’a recruté par petite annonce, mais veut monnayer non du sexe ou de la compagnie mais de l’amour, qu’il n’éprouve pas. Qu’est-ce que cela raconte ?
Propos limite
Il est question de viol, de violence, de féminicide qu’elle semble vouloir provoquer, de suicide pour échapper à la contrainte. Comme si, cherchant l’amour, ils ne pouvaient trouver que le mensonge, le traumatisme, la violence, le meurtre. Comme si les femmes étaient forcément trop bavardes, et les hommes forcément trop brutaux. La mise en scène, littérale malgré quelques jolies échappées, renforce ces caricatures, sans jamais les révoquer. Il la séduit en la menaçant avec un couteau, elle l’enferme, lui ment, l’exploite, le saoule de mots et de reproches… Jusqu’à ce qu’on comprenne qu’il la frappe ?
AGNÈS FRESCHEL
Jean et Béatrice a été joué les 15 et 16 mars au Théâtre Strapontin, Marseille