jeudi 18 avril 2024
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Jeux de coulisses

Avec Opening Night, Marcos Morau offre une ode méta et onirique au spectacle vivant, mais non sans difficultés

C’est à un discours étrange que se livre Mònica Almirall en ouverture du spectacle, affublée d’une robe à crinoline et d’un immense bouquet de roses rouges. Elle le délie en français en direction du public. Aux remerciements de rigueur succèdent des échappées plus ou moins familières, que l’on sent de plus en plus mues par l’impossibilité, pour cette cantatrice à l’émotion tangible, de quitter la scène. 

Chorégraphie envoûtante

On pourra regretter qu’au fil du spectacle ces textes conçus par Carmina S. Belda, Violetta Gil et Celso Giménez peinent parfois à prendre forme. Et ce pour des raisons techniques, soit la conception sonore très immersive et inspirée de Juan Cristóbal Saavedra mais laissant peu d’espace à la parole, ou encore la difficulté d’entendre toutes les phrases prononcées avec un certes fort charmant accent espagnol. Mais aussi pour des raisons de lisibilité et de volume des textes en regard du fil conducteur de ce pourtant très beau Opening Night. Car peu importe, au fond, le propos qui trouve vraisemblablement son substrat littéraire dans le chef-d’œuvre homonyme de Cassavetes. Ce sont finalement les images, la scénographie fourmillante conçue par Max Glaenzel et surtout la chorégraphie envoûtante de Marcos Morau qui marquent les esprits et les rétines. 

À l’instar de ces décors montrant l’envers d’une scène, ses à-côtés, ses tâtonnements, les gestes des danseurs se font saccadés, prennent leur élan pour mieux se rétrograder, fluctuent en torsions de chaque membre, chaque buste. Cette ode au backstage trouve dans ses interprètes des échos inédits. Les corps plus enfantins de Núria Navarra et Marina Rodríguez se révèlent souples et mobiles ; celui, plus androgyne et musculeux de Lorena Nogal lui permet d’explorer un autre registre. Les hommes – Shay Partush et Valentin Goniot – se révèlent moins objets d’expérimentations que vecteurs de rythme. Pour un résultat d’une redoutable organicité. 

SUZANNE CANESSA

Opening night a été donné les 17 et 18 mars au Pavillon Noir, Aix-en-Provence.
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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