Les Poupées persanes nous entraînent dans les méandres de récits enchâssés dans les strates de l’histoire de l’Iran. La dramaturge tisse la trame de son œuvre sur celle du poème de Ferdowsi (Xe siècle) narrant les amours tragiques de Bijan et Manijeh, issus de deux pays ennemis.
Tout commence par « il était une fois » en langue persane ou farsi. Il était une fois des êtres dans la tourmente politique, qui voulaient changer l’histoire ; il était une fois une histoire qui change mais pas comme ils l’auraient voulu…
Deux amis de fac rencontrent leur âme-sœur, s’aiment, s’engagent dans la lutte contre le shah, qui, dans les années 70, déconnecté de son peuple, appuie son pouvoir sur la police secrète et la répression. Les deux couples d’étudiants, Bijan et Manijeh, et Haroun et Niloofar, luttent, animés par le rêve d’une révolution apportant la justice… mais c’est l’exil, la mort, les séparations qui les attendent, tandis que se met en place le système liberticide instauré par les captateurs de la révolution, Khomeiny et les sbires de l’état islamique.
On passe avec fluidité d’une scène à l’autre, d’un pays à l’autre, Iran, France, chambre, station de ski, gare : un accessoire, une démarche, une intonation permettent aux acteurs, d’une poignante justesse, d’endosser plusieurs rôles, brossant une humanité foisonnante dont les secrets peu à peu se dévoilent dans la mise en scène efficace de Régis Vallée. « Qu’avons-nous fait ? » se disent les révolutionnaires devant la dictature qu’ils ont contribué à installer malgré eux. Le temps humain et le temps théâtral se catapultent et éclairent de sens les mécanismes de l’Histoire.
MARYVONNE COLOMBANI
Les poupées persanes ont été jouées du 9 au 13 avril au Jeu de Paume, Aix-en-Provence