Heroico emprunte son titre au nom du principal établissement militaire du Mexique, fleuron de la formation des futurs cadres de l’armée nationale : l’Heroico Colegio Militar. Interprété par d’anciens cadets, inspiré par leurs témoignages, Heroico s’ancre dans l’authenticité de ses sources pour proposer une vision stylisée, clinique et parfois hallucinée de la société mexicaine infusée par la violence.
Luis, (Santiago Sandoval Carbajal) un jeune nahua de 18 ans, s’enrôle comme cadet d’infanterie dans la prestigieuse école, Comme pour la plupart de ses camarades, indigènes et pauvres, sa motivation est économique : « dehors, c’est le merdier ». Il s’agit pour lui de bénéficier de l’assurance maladie militaire et de payer les dialyses de sa mère diabétique.
Après une sélection qui passe par un interrogatoire individuel intrusif et un examen collectif dégradant, le jeune homme va découvrir les lois de ce monde clos où il ne sera qu’un « poulain », tremblant sur ses pattes, à la merci de l’arbitraire des sergents. Le sien Sierra (Fernando Cuautie ) le prend sous son aile lui évitant le pire dans le cycle des bizutages, humiliations et brimades quotidiennes que subissent les nouveaux venus. Mais cette « protection » fait de Luis le complice des expéditions criminelles organisées par le sergent hors de l’école. On assiste au quotidien de Luis et de ses camarades qu’on pousse à la limite de leur force physique et de leurs ressources morales. Quand les discours officiels du général chantent les valeurs de la Patrie et la défense des droits du peuple, Sierra hurle à ses poulains : « On va faire de vous de vrais salauds, de vrais fils de pute ».
On assiste au fil des scènes à cette fabrique du monstre. Pour le doux Luis duquel on extirpe l’empathie , la réalité vire au cauchemar et on ne sait plus si ce qu’il vit n’est pas une extrapolation de son esprit vacillant. A chaque instant il peut devenir victime ou bourreau.
Là, tout n’est qu’ordre et horreur
L’essentiel de l’action se déroule dans l’enceinte de l’établissement, figuré ici par le décor impressionnant de style néo-aztèque du centre cérémonial Otomi.
Entouré de montagnes, d’une architecture minimaliste, minérale, géométrique et monumentale, privilégiant la rigueur-raideur, la symétrie. Dominé par l’aigle de Huitzilopochtli, ce lieu semble sorti d’une dystopie et rappelle à la fois l’histoire d’une civilisation exterminée par les colons européens et l’univers fantasmagorique des dieux aztèques avides de sacrifices humains.
Les plans larges en soulignent l’abstraction : les formations des cadets comme des carrés colorés. Les cadrages serrés le caractère oppressif : alignement de crânes rasés et de corps au garde à vous dans l’allée centrale du dortoir, file de ceux vulnérables, nus, pliés en deux, dans l’enfilade des douches. Rien de bien nouveau cinématographiquement dans ces scènes depuis le chef d’œuvre de Kubrick, Full Metal Jacket mais une réelle efficacité.
Le réalisateur maintient une tension permanente et fait entendre la violence quand on ne la voit pas. Cris de douleur des vidéos que des militaires rigolards regardent et dont on imagine l’origine, bruits des coups et hurlements d’un tabassage nocturne, coups de feu d’une exécution. Mais c’est sans doute la froideur qui s’installe dans le cœur de Luis, monstre en devenir, qui est la plus terrible.
ELISE PADOVANI
Héroïco de David Zonana
Sortie le 22 mai © Paname Distribution