Le milieu de Nico, c’est le Milieu. Le jeu entre minuscule et majuscule, entre milieu social et Milieu criminel, livre d’emblée le propos du dernier film de Milo Chiarini. Parler du déterminisme social, à travers le film noir qui reprend depuis toujours le fatum des tragédies où tout est déjà écrit. Troisième long métrage du réalisateur marseillais, ex-flic, Mon milieu raconte l’histoire de Nico.
Relaxé après 20 ans de réclusion pour homicide, il est bien décidé à ne pas retourner en prison et à profiter de cette liberté recouvrée en citoyen tranquille. Nico (interprété avec une grande douceur par le réalisateur) retrouve ce qui lui reste de la famille qu’il n’a plus voulu revoir durant sa longue incarcération : sa mère Maria, marquée par les drames, sa sœur Clara (Alice Demeo) née après son arrestation, son frère Antony (Andréa Dolente) qui gère une boîte de nuit. Ses copains d’enfance et de délinquance – ceux qui ont survécu en tout cas – l’attendent.
Ils se sont embourgeoisés dans le banditisme, tel Titi (Nicolas Morazzani), son ami de toujours, son « sang », montant les échelons du clan des Corses sous l’autorité du parrain (Piero Brichese). Nico observe les enveloppes récupérées, le tabassage d’un subalterne, les grosses voitures, les montres suisses en signe extérieur de puissance, les calibres glissés sous les vestes, les paroles chuchotées à l’oreille. Car si des choses ont changé pendant ces vingt années, s’il doit se faire expliquer le fonctionnement d’un téléphone portable, l’essentiel demeure. Peu à peu, Nico bien malgré lui, est aspiré par ce (M) milieu « qui dévore ses enfants pour se perpétuer », et qui est le sien.
Titi fait des affaires avec Djama, (Doumé Sahki) un caïd de la drogue qui a une sœur rebelle et indépendante, Nora (Sabrina Nouchi). Nico et Nora vont bien sûr tomber amoureux l’un de l’autre, attisant sans le vouloir, la jalousie d’Hakim (Yanisse Mahmoudi), compliquant les rapports inter-clans, et activant une mécanique mortifère.
Sous l’aile des maîtres du genre
Réaliser un film à petit budget sur des voyous de Marseille, après tant d’autres sur le sujet, n’est pas chose facile. Milo Chiarini le fait avec modestie. Aucun folklore dans son approche, aucun bain de sang à la coréenne, aucune poursuite sur les chapeaux de roue. Aucune idéalisation du bandit non plus – définitivement sans foi, sans loi, sans beaucoup de cervelle non plus.
On reconnaît en clins d’œil-hommages les grands modèles du genre. Un peu de Coppola avec le mariage de la grande sœur de Djama et Nora (Le Parrain), un peu de Scorsese avec la mauvaise blague qui coûte la vie au blagueur (Les Affranchis). Le réalisateur ne croit pas qu’on choisisse vraiment de devenir un bandit ni que tout le monde soit doué d’un libre arbitre. « Il n’y a pas d’espoir dans ce film seulement des hommes qui vivent par l’épée et qui périssent par l’épée » écrit-il.
ÉLISE PADOVANI
Mon milieu, de Milo Chiarini
En salles le 19 juin
Le film a été présenté en avant-première le 9 avril au Chambord, Marseille.