mercredi 2 octobre 2024
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La Villa Datris donne son corps à la culture 

Avec son exposition faire corps, le centre d’art de L’Isle-sur-la-Sorgue interroge le public sur les représentations de nous-mêmes dans un foisonnement de sculptures contemporaines

Dès l’entrée, c’est une sirène monumentale de Nikki de Saint Phalle qui accueille le visiteur. Un choix certainement pas anodin, car l’œuvre de la sculptrice française est irradiée par la lutte pour les droits des femmes et contre l’injustice sociale. On le comprend vite, les corps que l’on verra dans cette exposition seront surtout politiques et s’intéresseront souvent à la place des femmes dans l’art et ses représentations. « Faire corps, c’est évoquer les hommes et les femmes dans leur diversité, c’est mettre en avant des combats tel que le féminisme, faire avancer l’acceptation de la pluralité humaine ou militer pour l’écologie », explique d’ailleurs Danièle Marcovici, fondatrice et présidente de la Fondation Villa Datris, inaugurée à L’Isle-sur-la-Sorgue en 2011. Avec cette nouvelle exposition (gratuite), elle réunit plus de 70 œuvres, réalisées par 65 artistes, reconnus comme émergents.

Plusieurs niveaux… de lecture 

Tous les espaces de la Villa, intérieurs comme extérieurs, ont été mis à contribution, et se divisent en autant de thématiques. Au rez-de-chaussée, le parcours demande « qui me regarde ? » et avec cette question de rentrer plein fer dans le sujet. Puisque le corps dans l’art est une affaire de regard, sa perception est conditionnée par « les évolutions de nos mentalités » explique l’un des nombreux cartels déployés tout au long de l’exposition. Outre les nombreuses œuvres de Nikki de Saint Phalle installées pour l’occasion – dont la sublime I Had a Dream et ses sculptures en polyester pétaradant de couleurs, et flottant sur les murs noircis d’une des salles – on s’arrêtera ici sur une pièce de Elsa Sahal, intitulée Vénus au mur, une imposante statue en cinq parties de céramique émaillée. Elle dessine un corps féminin, uniquement avec des images sexuelles : il devient tout entier vulves et seins et l’on y voit une ironique réflexion sur le male gaze, ce regard masculin qui sexualise le corps des femmes. 

À l’étage, sont présentées des œuvres qui vont cette fois dépasser la représentation du corps. Car si le corps est anatomique, il est aussi mouvement, espace, silhouette, danse… Dans cette partie, plus conceptuelle mais tout aussi intéressante, on admire les pièces de l’Iranien Sepand Danesh, des sculptures réalisées à partir de cubes de bois peints, comme autant de pixels en 3D, et figurant des personnages en train de danser. Ou bien le Subject d’Antony Gormley, qui, après avoir numérisé son propre corps, vient le structurer avec des centaines (milliers ?) de barres en acier de 10 cm soudées entre-elles – une technique, qui, effaçant les détails, livre un saisissant « autoportrait » universel.  

La visite se poursuit dans plusieurs autres espaces de la Villa. Au dernier, étage, au sous-sol et dans les jardins. On y verra des corps déstructurés, habillés, coiffés, ou au repos, allongés et fatigués. L’ensemble du parcours se distingue par une scénographie habile et didactique : toutes les œuvres, toutes les salles, toutes les thématiques, sont accompagnés de cartels informatifs et permet à tous d’être des publics actifs du parcours – les enfants aussi. Salutaire.  

NICOLAS SANTUCCI

Faire corps
Jusqu’au 3 novembre
Villa Datris, L’Isle-sur-la-Sorgue
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