mercredi 2 octobre 2024
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Art et photographie : des alliés objectifs 

Avec L’œil objectif, le musée Cantini présente certains des plus beaux clichés de la collection de photographies de la Ville de Marseille

En 1968, le Musée Cantini proposait une exposition intitulée L’Œil objectif, et il fut le point de départ de la constitution d’une collection de photographies à Marseille. En cet été 2024, les Musées de la Ville de Marseille, en reprenant exactement le titre de cette exposition historique, et dans le même lieu, proposent un panorama de cette collection avec une sélection de 170 photographies issues des fonds du musée Cantini, du [mac] et du Fonds communal d’art contemporain, parcourant le XXe siècle jusqu’à aujourd’hui.

Partis-pris 

Une première salle évoque ce moment fondateur de 1968 à Marseille à travers divers documents présentés en vitrine (catalogue de l’exposition, article du Provençal, photographies, correspondance…) surmontée de la projection du film Marseille, Vieux-Port de 1929 de László Moholy-Nagy. Un montage cut et muet de séquences courtes tournées sur le Vieux-Port, enchainant scènes de la vie quotidienne, détails urbains, vues d’architecture, portraits. 

L’ensemble des photographies présentées ensuite dans l’exposition le sont sans indications chronologiques, et sans cartels de présentation des photographes exposés, favorisant une expérience purement visuelle pour celles et ceux qui le souhaitent. Par contre, un livret est disponible à l’entrée (il faut le restituer à la fin) où toutes ses informations sont disponibles. Et si le tout début du parcours est homogène chronologiquement avec des photographies des années 1920 et 1930, notamment de l’architecture métallique du pont transbordeur par Germaine Krull, Eugen Batz, François Kollar, Emeric Feher, la suite du parcours mixe allègrement chronologies, tout comme artistes connu·e·s ou plus confidentiel·le·s. L’attention pour les artistes femmes étant récent, ce panorama des collections photographiques de la Ville est largement masculin, une quarantaine d’hommes pour une quinzaine de femmes. Parmi lesquelles on trouve Marie Bovo, Suzanne Lafont, Nan Goldin, Haruno Utsumi, Valérie Jouve, Martine Franck, Françoise Huguier. 

Déclinaisons

L’Œil objectif est divisé en trois thématiques, accompagné de déclinaisons. Ainsi, à l’entrée « Un nouveau langage », référence aux années 1920, période intense d’expérimentations photographiques est décliné en « Jeux de perspectives », avec notamment les photographies du pont transbordeur citées plus haut. En « À l’épreuve du cadre », avec des cadrages magnifiant des paysages de plages et de salines chez Lucien Clergue, des formes végétales chez Jean Dieuzaide ou Denis Brihat. Et en « Abstraction de l’optique », où l’on trouve notamment des photomontages de Raoul Haussman, Metalopolis III de Jean-Claude Gontrand, donnant un aspect d’abstraction géométrique à des vues de chantier du périphérique parisien, dans un noir et blanc très contrasté.

Raoul Hausmann. Jeux mécaniques, 1957, Portfolio Roger Vulliez, 1978. Avec l’aimable autorisation de l’ADAGP, Paris.

La section « Donner corps » s’intéresse au pouvoir de la photographie de « donner corps » aux sujets présents devant l’objectif. Elle se décline en « Portraits modelés, Corps en scène, Objets singuliers ». On y rencontre un fessier féminin somptueux émergeant de la mer, photographié par Lucien Clergue, des larmes tels des bijoux disposés sur le visage de Lydia par Man Ray, ou bien le torse masculin cadré serré, apparaissant dans toute son étrangeté charnelle et poilue, de John Coplans. Plus loin, les mises en scène oniriques et figées de Bernard Faucon ou les Séquences d’Haruno Utsumi, prenant les poses stéréotypées des mangas des années 1970. Les images-tableaux de Caniveau avec chiffons verts et rouges d’Alain Fleisher ou abstraites-charnelles de Jean Dieuzaide, poires blettes, ensemble de tiroirs ou encore une poêlée de moules. 

Le dernier chapitre, « Esthétique du document », explorant les écarts plus ou moins importants entre fidélité au réel et démarche esthétique, se décline en « Docufiction/documenteur », « Visions du reportage », et « Trouble de l’ordinaire ». Ici se trouvent notamment la série hilarante de Joachim Mogarra, photographies d’un arte très povera réalisées avec des petits objets du quotidien pour figurer quelques lieux marseillais (le labo clandestin, la maison du fada, le Vieux-Port, la rue Tubano [sic] en 1930). La série Psychogéographie d’Antoine d’Agata autour des mutations du quartier de la Joliette à l’aube des années 2000, ou encore des paysages aux textures et coïncidences étranges, rêveuses et vaguement inquiétantes de Bernard Descamps ou Bruno Réquillard.

Échos contemporains

L’œil objectif se termine vraiment avec « Vues partagées », écho contemporain par huit photographes marseillais·e·s d’aujourd’hui à ce long travelling historique. Il faut retourner dans la salle de l’entrée, des photographies allant des rivages méditerranéens aux rues marseillaises, des reines du ring mexicaines aux corps féminins se liant à la nature. Le tout sous le regard sévère et l’objectif bricolé du Photographe de Louis Pons, assemblage photographie-bois au contraste plein d’humour. 

MARC VOIRY

L’œil objectif
Jusqu’au 3 novembre
Musée Cantini, Marseille

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