Elle trône dans l’espace central : la somptueuse Nana noire upside down de Niki de Saint Phalle, l’une des œuvres majeures de la nouvelle exposition du Mucem, En piste ! Clowns, pitres et saltimbanques. Mais elle côtoie de plus modestes Fleurs de cirque, réalisées par Marie Isabelle Vieira, aide-soignante du Centre hospitalier de Montfavet, où les patients pratiquent l’art pour aller mieux. Cette juxtaposition du fameux et de l’obscur, de la performance et du bricolé, cette façon de braquer des projecteurs pour voir les paillettes jusque dans les marges, c’est la marque de Macha Makeïeff, co-commissaire [Lire notre entretien ici] avec le conservateur en chef Vincent Giovannoni, responsable du pôle Arts du spectacle du musée.
Des planches aux cimaises
Transporter l’univers du théâtre, qui a nourri toute sa carrière sur cette « autre scène » qu’est un parcours d’exposition, c’est le pari réussi de la metteuse en scène. « Il fallait trouver les équivalences de la dramaturgie, construire un récit plastique », dit-elle. Aidée en cela par le magicien de l’éclairage Jean Bellorini, elle a orchestré une farandole aussi évocatrice et colorée que le poème d’Apollinaire, Les Saltimbanques. « Et les enfants s’en vont devant, les autres suivent en rêvant… » Indéniablement, quel que soit l’âge, se laisser embarquer dans ses marottes est un plaisir. D’autant que Macha Makeïeff se sert de l’ombre comme de la lumière, respectant en cela la vocation du Mucem, musée de société. Dès l’entrée, une affiche de 1853 rappelle à quel point l’ambiguïté, la censure et la précarité ont pu marquer le destin des bateleurs. « Tout individu qui voudra se livrer à l’exercice de la profession de Saltimbanque, écrit alors le préfet du Gard, devra produire un certificat de bonnes vie et mœurs, délivré par le commissaire de police ou le maire de la commune où il sera domicilié ». Pour quitter le Département, il faut faire viser son passeport ; les chansons devront êtres revêtues de l’estampille de l’administration, précise l’arrêté…
Nota Bene
Les éditions La Martinière et le Mucem ont édité un beau catalogue de l’exposition, parfait en souvenir ou comme cadeau à offrir en cette fin d’année. On y apprend entre autres l’étymologie du mot saltimbanque, en italien celui qui sait saltare (sauter) sul banco (sur une petite estrade) : quelqu’un, en somme, qui démontre la capacité humaine à l’envol.
Par ailleurs, du 18 décembre au 5 janvier, les enfants seront à la fête, avec le programme d’activités proposées autour de l’expo : ciné-concert, jeux, conférence-spectacle, ateliers, cirque contemporain… Ne manquez pas, par exemple, d’aller voir en famille Dark Circus, spectacle musical dessiné en live par la Cie Stereoptik (à partir de 8 ans, les 29 & 30 décembre). Ou Les Petits Touts, du mime Fabien Coulon, œuvre accessible aux non-francophones et aux personnes sourdes et malentendantes (4 & 5 janvier).
GAËLLE CLOAREC
En piste ! Clowns, pitres et saltimbanques
Jusqu'au 12 mai
Mucem, Marseille
Retrouvez nos articles Arts visuels ici